Chômage
Version originale en allemand
Une première définition officielle du chômage considère comme chômeuses les personnes inscrites auprès d’un Office régional de placement (ORP), sans emploi mais employables immédiatement, qu’elles aient ou non droit à des indemnités de chômage. Communiqué tous les mois à l’attention de la Confédération et des cantons par le Secrétariat d’État à l’économie (SECO), c’est cet indicateur qui a cours dans le quotidien politique en Suisse.
Un second indicateur du chômage est basé sur la définition du Bureau international du travail (BIT). Un·e chômeur·euse au sens du BIT est une personne sans emploi pendant la semaine de référence, ayant cherché un travail au cours des quatre semaines précédentes et disponible pour travailler. Calculé chaque année par l’Office fédéral de la statistique à l’aide de l’Enquête suisse sur la population active (ESPA), cet indicateur est utilisé pour les comparaisons internationales de l’OCDE.
Par rapport à la définition du BIT, le taux de chômage officiel du SECO présente l’avantage de se fonder sur des données de registre et non pas sur un échantillon. En outre, il est décisif pour la situation financière de l’assurance-chômage. Par contre, l’indicateur du BIT inclut également les jeunes ayant terminé l’école, les chômeur·euse·s en fin de droits et les sans-emploi bénéficiant de l’aide sociale qui n’ont pas droit aux indemnités de chômage, et qui par conséquent s’inscrivent rarement auprès d’un ORP. Il en résulte que le taux de chômage établi selon la définition du BIT est supérieur d’environ un point au taux officiel de la Suisse.
Pendant des décennies, le chômage a été presque inexistant en Suisse. Entre 1950 et 1990, la haute conjoncture conjuguée à l’absence d’une assurance-chômage obligatoire et à une politique où les étranger·ère·s servaient de « tampons » a permis de maintenir le taux de chômage officiel sous la barre de 1 %. La récession du début des années 1990 a mis fin à cet état d’exception. Depuis le milieu des années 1990, le taux de chômage en Suisse fluctue entre 2 et 4 % (définition SECO) ou entre 3 et 5 % (définition BIT). Dans la moyenne des deux dernières décennies, le taux de chômage des cantons romands de Genève, Neuchâtel et Vaud dépassait de un à deux points de pourcentage la moyenne nationale, alors que dans les cantons de Suisse centrale et orientale il se situait un point en dessous.
En comparaison internationale, la Suisse fait partie des pays affichant le taux de chômage le plus bas. En Europe, seuls quelques pays comme l’Autriche, le Danemark, le Luxembourg, la Norvège ou les Pays-Bas présentaient pendant un certain temps des taux de chômage comparables. Cependant, si l’on compare la Suisse aux régions limitrophes comme le Bade-Wurtemberg, la Bavière ou le Vorarlberg, les différences sont faibles.
Les médias relaient régulièrement la crainte que le progrès technologique ne conduise à la suppression d’emplois dans les pays industrialisés. Un coup d’œil à l’évolution de la population active révèle que le contraire est vrai. En 1900, la Suisse comptait 1,55 millions de personnes actives. En dépit du développement technologique fulgurant, ce chiffre a doublé jusqu’en 1970 (3,15 millions) et triplé jusqu’en 2015 (5 millions). De toute évidence, malgré la prolifération d’automates, d’ordinateurs et de robots, le nombre de personnes qui trouvent du travail en Suisse a considérablement augmenté du début du XXe siècle jusqu’à nos jours. Mais elles le font évidemment dans d’autres domaines : en 1900, 31 % de toutes les personnes actives l’étaient dans l’agriculture, une proportion qui a chuté à 3 % en 2015. C’est surtout le taux d’activité professionnelle des femmes qui a connu une forte progression.
Dans la théorie du marché du travail, on distingue plusieurs types de chômage, notamment frictionnel, saisonnier, conjoncturel et structurel. Le chômage frictionnel, qui se produit lors d’un changement d’emploi et se limite à de brèves périodes de transition, est peu problématique. Le chômage saisonnier est une conséquence des fluctuations de la demande au gré des saisons et est typique de secteurs tels que la construction, l’hôtellerie ou l’agriculture. Quant au chômage conjoncturel, il est dû à une demande insuffisante en biens et services et est étroitement lié aux récessions. En période de récession, il revient à la Confédération et aux cantons de stimuler la demande globale avec des investissements publics anticipés et ainsi de stabiliser le marché de l’emploi. Parallèlement, la politique monétaire de la Banque nationale peut encourager les investissements privés en abaissant les taux d’intérêt et contribuer ainsi à la politique de l’emploi.
Par chômage structurel, on entend l’inadéquation (mismatch) entre le profil des personnes demandeuses d’emploi et les exigences des postes vacants. Cette inadéquation peut concerner la formation, la région ou le secteur. On parle de chômage structurel lorsque le taux de chômage se maintient à un niveau élevé malgré une croissance économique soutenue et prolongée. Les mesures pouvant servir à le combattre sont l’orientation professionnelle individuelle, les allocations d’initiation au travail, les formations continues ou encore les reconversions professionnelles. Les ORP, qui proposent de telles mesures dans les cantons, sont ici les principaux acteurs politiques.
En Suisse, quelque 150 000 personnes sont inscrites auprès d’un ORP en moyenne annuelle. Ce chiffre n’est constant qu’en apparence car il cache des flux marqués. En effet, près de 20 % des chômeur·euse·s se désinscrivent de l’ORP (sorties) chaque mois et environ 20 % nouveaux·elles chômeur·euse·s s’y inscrivent (entrées). Ces sorties et entrées continuelles se reflètent dans la durée du chômage : en Suisse, la valeur médiane de la durée du chômage est inférieure à quatre mois (111 jours calendaires).
La durée du chômage varie selon les tranches d’âge. Si les jeunes présentent un risque plus élevé d’être sans emploi, leur durée de chômage est inférieure à la moyenne. À l’inverse, les employé·e·s plus âgé·e·s sont moins touché·e·s par le chômage, mais présentent un risque plus élevé de devenir des chômeur·euse·s de longue durée. La réinsertion des sans-emploi plus âgé·e·s représente ainsi un défi majeur pour la politique du marché de l’emploi.
Malgré le dynamisme du marché du travail, 10 à 15 % des sans-emploi ne trouvent pas d’emploi pendant les 18 à 24 mois où ils peuvent percevoir des indemnités de chômage et arrivent alors en fin de droits. Près de la moitié d’entre eux·elles trouve un travail dans un délai d’une année, environ un cinquième se retrouve à l’aide sociale, les autres vivent d’économies ou du revenu de leur partenaire.
Références
Bonoli, G. & Champion, C. (2013). La réinsertion professionnelle des bénéficiaires de l’aide sociale en Suisse et en Allemagne. Lausanne : IDHEAP.Flückiger, Y. (2002). Le chômage en Suisse : causes, évolution et efficacité des mesures actives. Aspects de la Sécurité Sociale, 4, 11-21.