Politique de l’éducation
Version originale en allemand
Au niveau du degré secondaire II, la Confédération et les cantons engagent une coopération traditionnelle. Depuis 1906, la Confédération édicte une réglementation de la maturité pour les gymnases et, dans le domaine de la formation professionnelle, elle définit conjointement avec les organisations du monde du travail les conditions-cadres de l’apprentissage. En contrepartie, les cantons dirigent les centres de formation et déterminent les conditions de l’offre cantonale de formation générale (gymnase, école de culture générale) et de formation professionnelle. De manière analogue, les hautes écoles spécialisées ayant ouvert leurs portes dans les années 1990 sont soumises à la législation fédérale, alors qu’elles sont dirigées soit de manière individuelle par un seul canton, soit de manière régionale par plusieurs cantons réunis. Initialement, dans le domaine traditionnel des hautes écoles, les cantons étaient seuls responsables des universités, tandis que la Confédération était responsable des écoles polytechniques fédérales ainsi que de la recherche. Depuis des décennies, la Confédération exerce une certaine influence dans le domaine des hautes écoles cantonales par le biais du soutien financier qu’elle accorde.
Les nouveaux articles de la Constitution fédérale consacrés à l’éducation exigent non seulement une reconnaissance sociale équivalente de la formation générale et de la formation professionnelle, mais aussi la qualité et la perméabilité de l’espace suisse de formation. Parmi les instruments de pilotage visant à contrôler la qualité, il existe, entre autres, des standards d’enseignement définis au niveau national, des plans d’études coordonnés par région linguistique et un monitorage de l’éducation au niveau national. Parmi les objectifs de politique éducative définis conjointement par la Confédération et les cantons depuis 2011 figurent l’harmonisation de l’école obligatoire, notamment la hausse du taux de réussite à 95 % dans le degré secondaire II, la diminution des changements et des abandons d’études aux universités et la garantie des offres d’accueil extrafamilial, par exemple grâce aux horaires scolaires continus. Du point de vue de la politique sociale, les crèches et les écoles à plein temps subventionnées par l’État, actuellement un enjeu politique, ont une double importance. D’une part, les ménages défavorisés sur le plan socioéconomique, dont les deux parents doivent travailler, ont besoin d’un encadrement externe pour leurs enfants. D’autre part, les offres d’accueil extrafamilial permettent aux femmes autant qu’aux hommes de participer au marché du travail et soulagent les femmes du travail familial non rémunéré (égalité des sexes).
Enfin, la ratification par la Suisse en 2014 de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées requiert une meilleure perméabilité du système d’éducation afin de favoriser un accès inclusif à la formation. Cela signifie que le système d’éducation officiel, dès la formation précoce jusqu’à la formation tertiaire, doit être remodelé de façon à permettre à toutes et tous, indépendamment de leur origine ou de leur handicap, d’accéder à la formation et au soutien avec des opportunités équitables.
Une meilleure perméabilité du système d’éducation est visée à plusieurs niveaux. Dans ce contexte, on distingue la perméabilité horizontale (changement de type d’école au même niveau) de la perméabilité verticale (changement possible de niveau scolaire ou de formation). Dans le degré secondaire I, une meilleure perméabilité signifie la suppression de la stricte séparation entre les types d’écoles du cycle secondaire. L’objectif des réformes scolaires cantonales ayant lieu au niveau décentralisé depuis les années 1960 est d’exploiter le réservoir de talents et d’assurer l’égalité des chances en assouplissant la hiérarchisation des types d’écoles. Pour ce faire, le canton du Tessin a créé la scuola media, un cycle secondaire général sans différenciation, et les cantons francophones, tout comme le canton de Bâle-Ville, ont ensuite introduit les cycles d’orientation à la suite du degré primaire. Dans les cantons alémaniques, de plus en plus de modèles d’écoles coopératives et intégratives sont implémentés. Les cantons qui préfèrent un système d’écoles plus intégré à la sélection réduite offrent aux élèves de toute origine sociale de meilleures perspectives de formation. Inversement, les systèmes d’écoles séparés accentuent les inégalités sociales.
Au degré secondaire II, la perméabilité signifie un assouplissement des limites entre la formation professionnelle élémentaire essentiellement organisée de manière duale et la formation générale, par exemple avec l’introduction d’écoles de culture générale qui offrent à la fois des cours d’enseignement général et spécialisé. De surcroît, la validation cantonale des performances de formation constitue une nouvelle forme de perméabilité du système d’éducation. Elle permet de prendre en compte les acquis sur une base procédurale, d’attester les compétences opérationnelles et d’obtenir un titre formel. Cette validation des acquis permet notamment aux personnes ne disposant pas d’un diplôme de formation postobligatoire (p. ex. après un abandon d’apprentissage) d’obtenir des qualifications professionnelles. À cela s’ajoute la validation des professions et diplômes étrangers.
En ce qui concerne le degré tertiaire, la perméabilité permet le passage après la formation professionnelle avec maturité professionnelle aux hautes écoles spécialisées ou, en passant un examen supplémentaire, à une université, ou le passage entre différentes types d’hautes écoles (p. ex. de la haute école spécialisée à l’université) dans le cadre d’une même formation. Ainsi, l’ouverture sociale de la formation supérieure progresse. Ceci suppose toutefois aussi des réformes et l’élimination d’inégalités d’éducation dans l’école obligatoire, car celles-ci engendrent de manière déterminante l’inégalité sociale d’accès aux hautes écoles.
La politique d’éducation devra relever le défi d’assumer une position intermédiaire des écoles suisses visant la conciliation et la cohésion entre la famille, l’économie et la société. Lorsque des parents aisés peuvent imposer leurs intérêts particuliers pour le bien-être de leur enfant (p. ex. en l’envoyant dans une école privée ou alternative), cela favorise les inégalités sociales. Par contre, si l’école est soumise aux besoins de l’économie et est essentiellement conçue selon des catégories économiques (pilotage de l’output grâce aux standards de formation, investissement dans le capital humain, etc.), cela ternit l’influence publique sur les écoles et sa contribution à la solidarité sociale. Enfin, l’économicisation de l’école résulte de la mondialisation de la politique d’éducation suisse par l’influence croissante des organisations internationales telles que l’OCDE, qui impose les thèmes de la politique d’éducation sur la base d’études de comparaison internationales (p. ex. PISA) et de classements, sans prendre en compte les processus démographiques de formation d’opinions et de prise de décisions.
Références
Herzog, W. (2013). Aussichten der freien Schulwahl : Die globale pädagogische Reformbewegung im Härtetest der direkten Demokratie. Zeitschrift für Erziehungswissenschaft, 16(3), 579-597.Rosenmund, M. (2011). Bildungsföderalismus in der globalisierten Bildungsinstitution : Das Schulsystem der Schweiz. In K. Kansteiner-Schänzlin (Hrsg.), Schule im gesellschaftlichen Spannungsfeld (S. 33-46). Baltmannsweiler : Verl. Pestalozzianum.
Wolter, S. C., Cattaneo, M. A., Denzler, S., Diem, A., Hof, S., Meier, R. & Oggenfuss, C. (2018). L’éducation en Suisse : rapport 2018. Aarau : Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation.