Case management
Le case management est un dispositif de prise en charge couramment utilisé dans le champ des politiques sociales et sanitaires. Il vise un accompagnement personnalisé, cohérent et continu, coordonné par une personne unique, appelé à renforcer l’autonomie de l’usager·ère par une participation active de celui/celle-ci ainsi que par la mobilisation de ses ressources.
Il n’y a pas de consensus dans la littérature sur les origines du case management. Le secteur psychiatrique, qui s’en est saisi pour étayer le mouvement de désinstitutionalisation de la prise en charge des années 1970, a sans doute contribué à lui donner la forme qu’il connaît aujourd’hui.
Défini comme dispositif d’accompagnement, le case management est plus qu’un outil d’intervention ou une simple méthode de suivi. Il est considéré comme un véritable modèle de prestations et de soins intégrés. Le réseau d’intervention que le ou la case manager monte, pilote et évalue, en est l’agent d’intégration essentiel. Il fédère les intervenant·e·s par la mise en place d’objectifs partagés. Le réseau d’intervention est configuré de manière originale dans chaque situation, permettant ainsi la personnalisation de l’accompagnement, à l’encontre de toute forme de normalisation du processus d’intervention par l’imposition de guidelines ou la définition d’algorithmes de traitement.
Le case management repose sur la conviction que la·le bénéficiaire de soins ou de prestations a un rôle actif à jouer dans l’intervention sociale et sanitaire. Il souligne que sa contribution est essentielle au traitement de sa situation. C’est pourquoi, la·le bénéficiaire est envisagé·e comme un·e partenaire des membres du réseau d’intervention avant d’être un·e patient·e, un·e client·e ou un·e usager·ère. Avec ses proches, elle ou il est membre à part entière du réseau de prise en charge. Dans le sillage de l’approche dite salutogénique, le case management assume que toute personne, même dans les situations les plus précaires et désespérées, dispose de ressources et de potentiels sur lesquels l’accompagnement peut s’appuyer et qu’il ou elle peut mettre en valeur. C’est pourquoi les case managers mettent davantage l’accent sur les moyens que sur les déficits des personnes qu’elle ou ils accompagnent. Le case management préconise ainsi une forme particulière d’accompagnement social, qui a par exemple inspiré des projets de collaboration interinstitutionnelle comme le projet CII-MAMAC.
Le dispositif de case management combine plusieurs niveaux : il associe un programme, un modèle et une méthode de suivi. Le programme chapeaute le dispositif. Il exprime la volonté collective d’entreprendre une action pour un groupe de personnes spécifique. Cette volonté peut être formulée à différents niveaux et dans les domaines les plus divers. La Stratégie nationale en matière de soins palliatifs est par exemple l’expression d’une telle volonté collective au plan fédéral dans le domaine sanitaire. Les sept programmes vaudois dédiés aux soins palliatifs, à Alzheimer, à la santé mentale, à la petite enfance, à la prévention des infections, au diabète et aux problèmes de santé liés au viellissement relaient au plan cantonal l’intention fédérale, voire l’anticipent avec des initiatives originales. Mais un programme peut également émaner d’une démarche bottom up n’impliquant pas les autorités publiques. Il peut ainsi découler du secteur associatif et s’adresser à un public restreint.
En satisfaisant les besoins individuels d’un groupe de population spécifique, le programme vise un objectif explicite d’intérêt général, tel que le maintien à domicile, l’intégration professionnelle, l’amélioration de la qualité de la prise en charge, mais aussi la réduction des coûts du système de la sécurité sociale. À travers la mise en place d’un suivi personnalisé, le case management poursuit ainsi des objectifs de nature supra-individuelle. Le programme indique également les ressources matérielles, organisationnelles, financières et humaines à disposition et établit le catalogue des mesures et des prestations offertes en vue de sa réalisation. Tous les projets d’accompagnements individuels destinés à un même public cible et orientés sur un même objectif d’intérêt général relèvent du même programme.
Le programme ainsi adopté est ensuite concrétisé par un modèle, qui donne la structure du dispositif de case management. C’est à ce niveau que l’on décidera par exemple à quel groupe professionnel la fonction de case manager sera confiée ou encore, comment le programme sera porté à la connaissance de son public cible. La configuration du modèle dépend des caractéristiques spécifiques du contexte dans lequel le programme est établi. Ainsi, un même programme peut être modélisé de différentes façons.
Alors que le programme et le modèle définissent les niveaux macro et meso du dispositif de case management, la méthode de suivi se situe au niveau micro, où se déploient les rapports entre membres du réseau d’intervention. La méthode s’articule le plus souvent en 6 phases successives. Tout d’abord, l’intake vise à examiner si le candidat ou la candidate a droit à la prestation et si celle-ci fait sens pour lui, c’est par exemple à ce moment qu’on va décider si un·e bénéficiaire de l’aide sociale a droit à telle ou telle mesure. On distingue deux formes d’intake : le triage quand il s’agit de sélectionner les bénéficiaires dans un groupe de candidat·e·s connu·e·s ; et le recrutement lorsque les bénéficiaires potentiel·le·s doivent être identifié·e·s et gagné·e·s à la démarche, qui, a priori, ne les intéresse pas. Ensuite, l’assessment consiste à analyser la situation de la·du patient·e afin de mettre en évidence ses problèmes, de même que les moyens qu’elle·il peut mobiliser. L’orientation salutogénique de la démarche est particulièrement importante dans le cadre de la maladie chronique, avec laquelle l’usager·ère doit apprendre à composer en s’appuyant sur les ressources qui lui sont accessibles. Les objectifs sont co-construits par la·le patient·e, ses proches et la·le case manager dans la troisième phase, celle de la planification. Les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs ainsi que les intervenant·e·s susceptibles de fournir les prestations requises sont également identifié·e·s. Sur la base de ces éléments, la·le case manager construit le réseau d’intervention, qu’elle·il ou elle peut convoquer tout ou partie pour en assurer la cohérence. Contrairement aux réseaux d’interventions habituels, dans lesquels chaque intervenant·e définit et poursuit ses propres buts, les membres du réseau de case management travaillent tous ou toutes aux mêmes objectifs, qui sont ainsi de nature contraignante pour eux ou elles. Dans la phase suivante, la mise en œuvre, la·le case manager supervise la réalisation des mesures. Les résultats de l’accompagnement sont appréciés dans la phase d’évaluation. Si les objectifs sont atteints, le suivi case management peut prendre fin, ce qui constitue alors la dernière étape du processus, celle de la sortie. Dans le cas contraire, la situation fera l’objet d’une nouvelle analyse et la démarche sera répétée, en principe autant de fois qu’il sera nécessaire à l’accomplissement de l’objectif général du programme.
Composée d’un nombre prédéfini d’étapes agencées logiquement et orientée sur un objectif posé en début d’intervention, cette méthode « en cascade » est sous-tendue par une vision linéaire de la prise en charge. C’est pourquoi, elle est peu à même de composer avec l’inattendu, l’incertain ou la surprise qui sont généralement perçus comme des facteurs perturbateurs ou dysfonctionnels. Cette limitation pourrait être une invitation à pourvoir le case management d’une méthode plus « agile » qui reste encore à développer.