Politique financière
Entre 1990 et 2014, les dépenses publiques de la Confédération en termes nominaux ont plus que doublé. Ce fort accroissement est avant tout imputable à la sécurité sociale, dont les dépenses ont triplé durant la même période. Ce poste représente environ un tiers des dépenses de la Confédération. Il sert d’indice pour mesurer l’ampleur de la politique de redistribution, et indirectement, l’effort consenti par les citoyen·ne·s pour assurer la cohésion sociale. Cependant, la quote-part des cotisations sociales par rapport au produit intérieur brut (PIB), environ 7 %, est restée assez stable durant ces dernières années. Cette observation vaut également pour les dépenses sociales en général évaluées dans une perspective historique récente. La Suisse se situe tout proche de la moyenne des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), mais bien derrière ses voisins directs, notamment la France.
Les autres grandes catégories de dépenses de la Confédération sont, par ordre décroissant : les finances et les impôts, le trafic et les télécommunications, la formation, l’administration générale, l’ordre et la sécurité publics ainsi que la défense, l’économie publique, notamment le soutien à l’agriculture, et la protection de l’environnement et l’aménagement du territoire.
La politique financière reflète des choix idéologiques quant à la place de l’État dans une économie, délimite le marché par rapport au secteur public, et sert d’indice du degré de solidarité par l’importance accordée aux transferts sociaux. Elle est régie par les principes suivants.
Toute dépense publique doit être financée, soit par l’impôt, soit par l’emprunt. Du point de vue macroéconomique, seule la fiscalité est pertinente pour la politique financière. Comme à tout emprunt correspond une créance, les deux s’annulent dans la comptabilité nationale. Des recettes fiscales supérieures aux dépenses publiques rend les comptes publics excédentaires et contribuent ainsi à augmenter l’épargne nationale. Des recettes fiscales inférieures, par contre, conduisent à un déficit public, ce qui ponctionne l’épargne privée et réduit ainsi le financement des investissements. Comme ces derniers sont le moteur de la croissance, un déficit public aujourd’hui entrave la croissance dans le futur.
Un excédent du solde budgétaire de l’État, par contre, constitue une épargne publique, qui contribue à son tour à financer les investissements. La croissance économique se trouve stimulée et entraîne à son tour des dépenses et des recettes publiques supplémentaires.
Quant à l’affectation des recettes fiscales, le financement des dépenses publiques par l’impôt est alimenté par des sources très variables. En principe, l’impôt sur les revenus finance les dépenses cantonales et communales et l’impôt indirect sur la valeur ajoutée celles de la Confédération. En pratique, cette distinction ne s’applique pas, car la Confédération prélève également un impôt direct. En outre, un réseau complexe de transferts financiers entre communes, cantons et Confédération rend toute classification des sources de financement aléatoire. Pourtant, un principe de financement devrait s’appliquer : moins les recettes fiscales sont affectées à des tâches spécifiques, plus la gestion publique est flexible et l’allocation des ressources optimale. Or, en pratique, le parlement lie souvent les recettes fiscales à des dépenses spécifiques.
Il n’y a pas de règles théoriques selon lesquelles le niveau et le montant des budgets publics peuvent être déterminés. Cependant, il est généralement admis qu’ils ne doivent pas évoluer plus fortement que la croissance économique. En Suisse, ce principe est respecté, car leur quote-part est restée assez stable durant les dernières années et s’élève en moyenne annuelle à environ 28 % du PIB. De même, le degré d’endettement en Suisse est resté faible en comparaison internationale. Les critères de Maastricht, d’ailleurs rarement atteints par les pays membres de l’Union européenne, prévoient un plafonnement de la dette publique à 60 % du PIB. La Suisse reste bien en dessous de cette norme avec environ 35 % pour l’endettement de l’ensemble des administrations publiques. Cette évolution favorable est sans aucun doute le résultat d’efforts répétés visant à limiter l’expansion du secteur public et à garder son financement sous contrôle.
Ce contrôle est exercé par des politiques de stabilisation qui s’appuient sur un ensemble de mesures, parmi lesquelles figurent le modèle des trois comptes, le frein à l’endettement, et un programme de stabilisation proprement dit.
Le modèle des trois comptes, appliqué au niveau cantonal seulement, part du principe que le premier compte, comptabilisant les dépenses publiques courantes, vise l’équilibre, alors que le deuxième compte, concernant les investissements publics, peut être déficitaire, car ces dépenses sont également utiles pour les générations futures. Enfin, le troisième compte doit faire clairement apparaître la source du financement.
Quant au frein à l’endettement, il est ancré dans la Constitution fédérale depuis 2001. Il s’agit d’un mécanisme qui assure que les dépenses ne dépassent pas les recettes publiques durant la période d’un cycle conjoncturel complet.
Enfin, pour ce qui est du programme de stabilisation proprement dit, le Conseil fédéral a prévu 24 mesures d’économie pour 2017-2019 de près d’un milliard de francs par année.
La politique de stabilisation est tributaire de la santé économique du pays, elle-même fortement dépendante du contexte international. En périodes de haute conjoncture les recettes fiscales augmentent souvent plus fortement que les dépenses publiques. De surcroît, l’inflation gonfle l’assiette fiscale en termes nominaux. Un excédent budgétaire est dès lors probable. En périodes de basse conjoncture, l’inverse peut être observé : les recettes fiscales diminuent, tandis que les dépenses publiques décidées par voie législative, souvent lente et sinueuse, ne se réduisent pas si mécaniquement. Un déficit de l’État en est la conséquence.
Comme le développement économique des cantons se poursuit à des vitesses et des trajectoires différentes, la politique fiscale a été également mise au service de la convergence et de la réduction des inégalités, ce qui entre en tension avec la règle, la politique financière doit être affectée strictement à l’objectif de gestion efficace des comptes publics, tandis que la péréquation financière doit viser séparément l’objectif de convergence du développement économique entre cantons.
La politique financière est un chantier permanent. Elle fait l’objet de nombreux projets de réformes, notamment sur de nouvelles bases fiscales, dans des domaines variés allant de l’environnement naturel et social, jusqu’à la redéfinition de la charge fiscale des entreprises, discutée notamment dans le cadre de la troisième réforme après qu’un projet largement adopté par les Chambres a été refusé en votation populaire en 2017. La tendance vers une harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne façonnera à l’avenir la politique financière qui se définira de moins en moins en termes purement nationaux.
Références
Administration fédérale des finances. Indicateurs des finances publiques. https://www.bfs.admin.ch/Dafflon, B. (2014). Panorama des impôts en Suisse, du local au fédéral, entre équité et concurrence : quels enjeux ? Lausanne : Domaine public.
Longchamp, O. (2014). La politique financière fédérale (1945-1958). Lausanne : Antipodes.