Dépenses de santé
Version originale en allemand
Le financement de la santé en Suisse se caractérise par une pluralité de tarifs et de modèles de remboursement. Depuis 2004, la structure tarifaire TARMED qui permet le décompte des prestations médicales est en vigueur dans les cabinets médicaux et les hôpitaux pour les prestations ambulatoires. En raison des évolutions technologiques de la médecine, TARMED relève désormais d’une surcompensation relative des prestations techniques (telles que radiographies ou interventions chirurgicales), ainsi que d’une sous-compensation des examens simples ou des entretiens. Une révision – qui devait être sans incidence sur les coûts et développer les soins médicaux de base – a échoué provisoirement en 2016 en raison de la résistance de groupes d’intérêts tels que les associations de médecins et les assureurs-maladie. TARMED tend à inciter au sur-traitement, chaque acte médical étant rémunéré séparément.
Dans le secteur stationnaire des hôpitaux de soins aigus, le système tarifaire forfaitaire de SwissDRG (DRG = Diagnosis Related Groups) est en vigueur depuis 2012. Pour calculer des forfaits par cas, les patient·e·s sont affecté·e·s à un groupe de cas en fonction de leur diagnostic et d’autres caractéristiques, telles que l’âge et les besoins en soins. Les hôpitaux reçoivent un montant fixe par cas, calculé à partir des coûts moyens de traitement du groupe de cas concerné (pondération des coûts) et du tarif négocié entre les hôpitaux et les organismes payeurs (prix de base). Les SwissDRG sont controversés parmi les professionnel·le·s de la santé en raison de leur incitation à agir sous un angle économique. En fait, les politicien·ne·s s’attendaient à ce que l’introduction de ce nouveau système de financement entraîne une rentabilité supérieure et une intensification de la concurrence entre les hôpitaux. Les effets sur les coûts, la qualité des soins, la satisfaction des patient·e·s et les conditions de travail du personnel hospitalier sont analysés dans des études concomitantes. Les premiers résultats indiquent une augmentation de la charge administrative dans les hôpitaux, une concurrence accrue pour les cas lucratifs et un glissement des prestations et des coûts vers les secteurs en aval comme celui des soins de longue durée.
Un autre élément du financement hospitalier en vigueur depuis 2012 est celui de la répartition des coûts hospitaliers pour les assuré·e·s de base entre les caisses-maladie d’un côté et les cantons de l’autre. Ces derniers supportent 55 % des frais stationnaires, tandis que les caisses-maladie paient la totalité des frais en ambulatoire. En raison de ce régime de financement, les traitements ambulatoires peuvent entraîner des coûts supérieurs pour les assureurs-maladie, bien qu’ils soient, de fait, moins onéreux.
D’autres régimes de financement sont en vigueur dans les établissements médico-sociaux, la réhabilitation stationnaire et la psychiatrie. Ces prestations sont financées selon des forfaits journaliers ; elles sont échelonnées en fonction du degré de dépendance dans les EMS. Les personnes dépendantes supportent elles-mêmes 20 % des frais de soins ainsi que les frais d’accompagnement et d’hôtellerie, ce qui correspond facilement à un montant mensuel entre 5 000 et 10 000 francs. Si le revenu propre est insuffisant et la fortune inférieure à un certain seuil, la personne a droit aux prestations complémentaires de l’AVS/AI. En ce qui concerne le financement de la réhabilitation stationnaire et de la psychiatrie, l’introduction de forfaits de cas ou, éventuellement, de combinaisons de forfaits journaliers et de cas est prévue au cours des années à venir.
En comparaison européenne, il est frappant de constater que les Suisses paient directement de leur poche une part très élevée de leurs dépenses de santé. 37 % du financement de la santé provient de l’assurance sociale de base, 20 % de recettes fiscales (principalement cantonales) et 28 % de contributions privées des ménages (out of pocket). Ces dernières comprennent les quotes-parts et les franchises, les coûts non pris en charge par l’assurance-maladie (p. ex. les médicaments non prescrits et les soins dentaires) ainsi que la part privée des coûts des soins de longue durée.
La part de l’assurance-maladie sociale est financée par des primes individuelles indépendantes du revenu. Le financement des soins de santé très régressif qui en résulte n’est pas compensé par les contributions aux hôpitaux financées par l’impôt, les réductions de primes ou les prestations complémentaires. Cette situation est exacerbée par le transfert des prestations du secteur stationnaire au secteur ambulatoire, car la médecine ambulatoire (après déduction de la franchise et de la quote-part) est entièrement financée par l’assurance-maladie. Elle entraîne un développement voulu par le politique et potentiellement dans l’intérêt des patient·e·s, ce qui, par « effet boomerang », alourdit la charge financière des personnes à faible revenu.
Les différences entre les systèmes de financement des soins médicaux stationnaires d’un côté et ambulatoires de l’autre ont abouti, ces dernières années, à une augmentation disproportionnée des primes d’assurance-maladie obligatoire. Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur l’assurance-maladie en 1996, l’augmentation des primes a été nettement supérieure à l’augmentation des coûts globaux de la santé. Ni les salaires ni les réductions de primes n’ont suivi le rythme de croissance des primes, de sorte que le poids de ces primes sur le budget des ménages s’est fortement alourdi, en particulier dans le segment des revenus inférieurs et moyens dont le revenu disponible baisse par conséquence. Cette situation se transforme en une rude épreuve de politique sociale, épreuve qui pourrait être désamorcée, du moins en partie, par l’harmonisation des régimes de financement dans les secteurs stationnaire et ambulatoire. Afin de soulager efficacement les ménages à faibles revenus, les cantons devraient, par ailleurs, étendre et uniformiser leurs systèmes de réduction des primes.
Bien que les dépenses de santé per capita soient relativement élevées par rapport aux chiffres internationaux et contrairement aux affirmations souvent entendues, les coûts de la santé au cours des 15 dernières années n’ont nullement connu une augmentation « explosive ». Toutefois, la situation pourrait changer au cours des prochaines années en raison de l’évolution démographique. Malgré l’accroissement de la population, le nombre de décès en Suisse reste stable à environ 60 000 par an depuis la fin des années 1970, ceci en raison de l’augmentation de l’espérance de vie. Mais le vieillissement de la génération des baby-boomers augmentera considérablement le nombre de décès jusque dans les années 2040-2050. Étant donné que les coûts de la santé sont généralement plus élevés en fin de vie, cette évolution est susceptible d’accélérer l’augmentation des coûts. L’ampleur réelle de cet effet dépend toutefois aussi de l’évolution de la médecine gériatrique et palliative.
Références
Meyer, B., Rohner, B., Golder, L., Longchamp, C., (2016). Administrativer Aufwand für Ärzte steigt weiter an. Schweizerische Ärztezeitung, 97(1), 6-8.Office fédéral de la statistique (2016). Coûts et financement du système de santé 2014 : données définitives. Neuchâtel : Office fédéral de la statistique.
Wieser, S., Tomonaga, Y., Riguzzi, M., Fischer, B., Telser, H., Pletscher, M., … Schwenkglenks, M. (2014). Die Kosten der nichtübertragbaren Krankheiten in der Schweiz : Schlussbericht. Winterthur : Winterthurer Institut für Gesundheitsökonomie ZHAW.