Intégration
Version originale en allemand
La compréhension du terme « intégration » est souvent fondée sur des principes normatifs. On y associe par exemple de manière positive une amélioration des possibilités de participation, des droits de protection individuels ou collectifs, ainsi que la garantie de droits sociaux, de possibilités de participation politique ou de droits de vote. Au niveau structurel ou systémique, l’intégration peut également faire référence à un état de stabilité relative, à un rapport d’équilibre ou de cohésion sociale. Inversement, le concept de désintégration renvoie de façon négative aux phénomènes d’effondrement social, aux états indésirables d’absence de normes ou de fragmentation dysfonctionnelle des contextes sociaux. Au niveau des processus, il renvoie également aux tendances à la dissolution des liens sociaux, aux formes de discrimination ou de déviance sociale.
Ces différentes approches se reflètent dans la compréhension sociopolitique du terme « intégration ». Fondamentalement, elles peuvent être dérivées du débat socio-théorique dans lequel l’intégration comme concept clé problématise la constitution et le maintien de l’ordre social. Dans le modèle absolutiste de Hobbes, l’intégration est, en tant que garante de la cohésion sociale, uniquement fondée sur l’État. Pour Herbert Spencer, l’intégration fait référence à un processus dans lequel des parties individuelles se transforment en ensembles sociaux. Émile Durkheim, de son côté, a défini l’intégration comme la solidarité organique ou mécanique résultant de la division moderne du travail et des interdépendances, et nécessitant une conscience collective (croyances et attentes communes). Chez Talcott Parsons, le concept d’intégration joue également un rôle central pour que les sociétés puissent être comprises comme des unités malgré leur différenciation fonctionnelle. Enfin, parmi les considérations diverses et variées, on peut également citer Niklas Luhmann, qui ne définit plus l’intégration en référence à un ensemble imaginé (société), mais en lien avec la restriction mutuelle des degrés de liberté de sélection entre sous-systèmes. Du point de vue de sa théorie des systèmes, la distinction entre inclusion/exclusion et donc les formes de multi-inclusion typiques des sociétés modernes dans divers sous-domaines sociaux sont mises en évidence.
Bien que les conceptions socio-théoriques de l’intégration soient multiples, elles font toujours référence à la relation complexe entre l’individu et la société. Dans ce rapport de tension, la politique sociale et l’État social font office de lien. Les institutions de sécurité sociale peuvent donc être comprises comme des instances d’intégration dont les effets concernent tant l’individu (intégration sociale) que la société dans son ensemble (intégration dans le système).
Le concept sociopolitique de l’intégration sociale peut être orienté vers l’inclusion d’un individu dans les contextes de la vie quotidienne (groupes sociaux, communautés, milieux, etc.) ou dans les contextes fonctionnels d’une société (école, marché du travail, politique, sécurité sociale, etc.). Le principe directeur à ce niveau de référence microsocial est le postulat sociopolitique de la participation des personnes ou des groupes aux possibilités socialement données ou aux formes typiques de satisfaction moderne des besoins, d’articulation des intérêts ou d’orientation culturelle. À cet égard, l’avantage de l’intégration sociopolitique liée aux individus comprend la satisfaction des besoins personnels. L’État-providence, avec sa combinaison de sécurité sociale et de travail social, est considéré ici comme un instrument de prévoyance au service des intérêts propres. Les stratégies sociopolitiques qui en découlent sont à percevoir comme la promotion effective de l’intégration et sont systématisées par Franz-Xaver Kaufmann en quatre formes centrales d’intervention : 1) amélioration du statut juridique des personnes – par exemple égalité de traitement des hommes et des femmes, amélioration de la situation juridique des migrant·e·s ; 2) multiplication des ressources disponibles – par exemple redistribution de l’argent par le biais d’impôts progressifs ou de prestations en nature, comme c’est le cas dans certaines assurances sociales en Suisse ; 3) amélioration des structures d’opportunités pour les personnes – par exemple offres d’infrastructure d’insertion professionnelle, logements d’accueil, etc. ; 4) amélioration de la capacité d’action des personnes par le biais de services éducatifs (p. ex. offres du travail social, conseils en matière de santé). En outre, dans le cadre d’un processus de soutien axé sur le dialogue et la défense des droits (conseil social au service de la clientèle), l’idée sociopolitique de l’intégration sociale peut avoir une fonction de capacitation – mais elle peut aussi poursuivre des objectifs réglementaires, lui conférant ainsi un caractère disciplinaire ou répressif – notamment lorsque des attentes ou des demandes relatives à une volonté indispensable d’intégration ou au manque de cette volonté sont formulées (p. ex. dans le cas de l’aide sociale sous forme de modèles de contre-prestation ou sous forme de conventions d’intégration dans le domaine de la migration). L’intégration peut alors être réalisée comme une demande unilatérale et programmatique d’adaptation/assimilation adressée à des individus ou des groupes. En tant que processus réciproque, elle peut également être conçue comme le moteur d’un changement social s’instaurant entre l’individu et le cadre de vie/sous-système fonctionnel, ou entre les groupes (minoritaires) et la société (majoritaire).
En politique sociale, l’idée de l’intégration dans le système résulte de la prise en compte de larges couches de la population dans les collectifs d’assurance sociale (réciprocité généralisée sous forme de péréquation mutuelle des risques, des dommages et des besoins) et dans les systèmes de prestations fondamentaux d’une société (généralisation du droit de participer aux possibilités de la vie sociale, comme le stipule la Constitution fédérale). La politique sociale a un effet d’intégration dans le système dans la mesure où elle vise, en plus de l’objectif d’inclusion des personnes, aussi la solidarité sociale (cohésion sociale, « ciment social »). L’État-providence compense les risques de la modernisation sociale sans remettre en cause la différenciation structurelle en soi (couches, classes). Par exemple, l’assurance sociale a contribué à pacifier le conflit de classe capitaliste en retirant du contrat de travail un potentiel de conflit considérable. Selon Franz-Xaver Kaufmann, l’effet de la politique sociale en matière d’intégration dans le système peut être compris, premièrement, d’un point de vue culturel, grâce à une réciprocité généralisée, garantie par la politique sociale, qui accroît la légitimité des conditions sociales existantes (comme p. ex. l’économie morale). Deuxièmement, la politique sociale a un effet pacificateur d’un point de vue politique, par exemple sous la forme d’une transformation de la résolution des conflits (également appelée « paix sociale ») qui réduit les conflits de classes ou les conflits d’intérêts. Troisièmement, d’un point de vue économique, elle améliore la formation du capital humain et contribue à l’augmentation globale de la productivité du travail. Enfin, quatrièmement, d’un point de vue social, la politique sociale stabilise le domaine de la vie privée, afin de pouvoir reproduire ou régénérer le capital humain nécessaire à la société.
Références
Imbusch, P. & Heitmeyer, W. (Hrsg.) (2008). Integration – Desintegration : Ein Reader zur Ordnungsproblematik moderner Gesellschaften. Wiesbaden : VS.
Kaufmann, F.-X. (2012). European foundations of the welfare state. New York : Berghahn Books.
Peters, B. (1993). Die Integration moderner Gesellschaften. Frankfurt a. M. : Suhrkamp.