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Salaire

Daniel Oesch

Version originale en allemand


Première édition: December 2020

Le salaire est l’indemnisation financière que les travailleurs et les travailleuses obtiennent pour leur travail. On distingue entre le salaire brut et le salaire net (après déduction des charges sociales) et entre le salaire nominal et le salaire réel (après ajustement à l’évolution des prix). En Suisse, les revenus salariaux représentent deux tiers du produit intérieur brut et sont la principale source de financement des assurances sociales.

Dans la théorie économique néoclassique, le salaire correspond à la productivité marginale du·de la salarié·e et donc à la valeur ajoutée supplémentaire réalisée à l’engagement d’un·e travailleur·euse supplémentaire. Cette théorie explique en partie pourquoi les ingénieurs reçoivent un salaire plus élevé que les machinistes. En réalité, des conceptions culturelles et le pouvoir de négociation jouent également un rôle dans la fixation des salaires. Dans les pays industrialisés, les hommes, les indigènes et les travailleur·euse·s organisé·e·s en syndicats ont généralement plus de pouvoir de négociation que les femmes, les étranger·ère·s et les travailleur·euse·s non syndiqué·e·s.

En Suisse, l’avantage salarial en faveur des hommes vis-à-vis des femmes est tenace, même si l’article 8 de la Constitution retient l’égalité salariale des hommes et des femmes pour un travail de valeur égale. Alors que l’inégalité salariale entre les genres diminue lentement depuis les années 1990, l’écart entre les salaires les plus bas et les plus hauts s’est encore creusé entre 1994 et 2012. La raison de cette évolution est la forte croissance des salaires très élevés, plus spécialement dans les 1 et 10 % les plus élevés. Pourtant, la Suisse fait partie des pays plutôt égalitaires d’Europe en matière de répartition des salaires, contrairement à ce qui est le cas pour la répartition des fortunes.

Dans la plupart des pays industrialisés, l’inégalité des salaires a fortement progressé depuis les années 1990 et la part des salaires au produit intérieur brut (PIB) a baissé au profit des revenus du capital. En Suisse en revanche, la quote-part des salaires n’a guère changé. Entre 1991 et 2010, elle est demeurée stable à 62-64 % du PIB. Les considérations sur l’inégalité des salaires et la quote-part des salaires sont toutefois entachées d’incertitude sur le plan statistique, même si la situation en matière de données sur les salaires s’est améliorée depuis les années 1990, grâce surtout à l’enquête sur la structure des salaires menée tous les deux ans depuis 1994 par l’Office fédéral de la statistique auprès d’un vaste échantillon d’entreprises.

La Suisse est un des rares pays d’Europe occidentale à ne pas connaître de salaire minimum légal. Depuis les années 1990, un tel salaire minimum a été introduit en Allemagne (2015), en Grande Bretagne (1999) et en Irlande (2000). Entretemps, 22 des 28 pays membres de l’UE connaissent un salaire minimum légal. En Suisse, une initiative populaire sur l’introduction d’un salaire minimum de 4 000 francs par mois a été rejetée en 2014.

Quoiqu’il en soit, la Suisse connaît elle aussi des règles de protection salariale. La grande majorité des conventions collectives de travail passées entre les organisations d’employeur·euse·s et les syndicats fixent des salaires minimum. Certaines de ces conventions prévoient des salaires minimum différenciés en fonction des qualifications et des régions, par exemple dans la construction, alors que d’autres n’en ont qu’un seul, par exemple dans le secteur bancaire. Environ 40 % des personnes actives travaillent dans des branches et des entreprises qui connaissent un salaire minimum convenu par contrats collectif. Dans quelques branches, comme la construction, l’hôtellerie, le placement de personnel ou le nettoyage, les contrats collectifs sont déclarés de force obligatoire par le Conseil fédéral ; dans ces branches, les salaires minimum s’appliquent aux employé·e·s de toutes les entreprises du pays ainsi qu’aux travailleur·euse·s détaché·e·s de l’étranger.

La protection des salaires a gagné en importance avec l’introduction, en 2002, de la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE. Suite à la suppression des contingents, du contrôle administratif des salaires et de la priorité nationale, la notion de « salaire usuel » a été introduite dans le cadre des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes. La loi sur les travailleur·euse·s détaché·e·s met les commissions tripartites nationale et cantonales engagées en 2002 en devoir d’intervenir si « au sein d’une branche économique, les salaires usuels dans la localité, la branche ou la profession font l’objet d’une sous-enchère abusive et répétée ».

Dans les cas de sous-enchère systématique par rapport au salaire usuel, les commissions tripartites peuvent proposer deux mesures aux exécutifs national et cantonaux : déclarer de force obligatoire une convention collective de travail existante ou adopter un contrat-type de travail avec fixation d’un salaire minimal obligatoire. Un tel contrat existe au niveau national pour l’économie domestique ainsi que, dans quelques cantons frontaliers, pour des branches sans partenaires sociaux. Mentionnons à titre d’exemple le contrat-type pour cosméticiennes et cosméticiens en vigueur dans les cantons de Genève et du Tessin.

Les salaires usuels pour des profils de qualification spécifiques peuvent être déterminés avec les calculateurs de salaires interactifs de l’Union syndicale suisse ou de l’Office fédéral de la statistique. Le catalogue salarial du canton de Zürich (Lohnbuch des Kantons Zürich) donne une vue d’ensemble des salaires minimum et usuels pour les différentes professions et branches en Suisse.

Références

Amt für Wirtschaft und Arbeit des Kantons Zürich (Hrsg.) (2016). Das Lohnbuch 2016. Zürich : Orell Füssli.

Kuhn, U. & Suter, C. (2015). L’évolution des inégalités de revenus en Suisse. Social Change in Switzerland, 2, en ligne. https://www.socialchangeswitzerland.ch

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