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Participation des enfants et des jeunes

Dominique Malatesta, Dominique Golay


Première édition: December 2020

La participation des enfants et des jeunes fait référence aux droits d’exprimer librement son opinion et à la liberté d’expression, tels qu’ils sont stipulés dans les articles 12 et 13 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE). Ces droits supposent que le point de vue des enfants soit pris en considération dans les décisions qui les concernent. Dans cette perspective, la participation est considérée comme une dimension fondamentale dans la formation des enfants et des jeunes à l’échelle tant individuelle que collective, dans la mesure où elle soutient l’actualisation des droits de l’enfant. Si la dimension politique de la participation des enfants est particulièrement intéressante à aborder, c’est parce qu’elle rend compte de leur capacité d’agir sur l’environnement par des engagements collectifs dans des dispositifs soutenant et incitant à l’expression, à la délibération et à la prise de décision.

La ratification par la Suisse de la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant en 1997 a obligé l’État à reprendre et réviser son appareil législatif (l’ensemble des lois touchant aux conditions de vie et au bien-être des mineur·e·s) afin de le rendre compatible avec les articles de la CIDE. Si la Suisse n’a pas encore levé toutes les réserves émises au moment de la ratification, la signature du traité a cependant permis et soutenu la mise en œuvre d’une politique de l’enfance et de la jeunesse à l’échelle du pays axée sur la protection, l’encouragement et la participation.

La Suisse distingue, relativement à l’enfance et la jeunesse, une politique large et transversale, d’une politique ciblée sur l’enfance et la jeunesse au sens strict. La première n’est pas spécifique aux enfants et touche aux conditions de vie de la population en général et des mineur·e·s en particulier alors que la seconde est orientée sur des lois, des programmes et des mesures directement ciblées sur les enfants et les jeunes, telle que la loi sur l’encouragement de l’enfance et de la jeunesse (LEEJ). Sachant que la mise en œuvre des politiques ainsi que l’application des lois y relatives dépendent des cantons et des communes, le paysage suisse en matière de lois et de mesures spécifiquement adressées aux enfants et aux jeunes est très diversifié. Cependant, tous les cantons se préoccupent de la protection des mineur·e·s et tendent à accroître les mesures d’encouragement et de participation des enfants et des jeunes à la vie sociale en général.

Ce contexte politique de soutien et d’encouragement à la participation a favorisé l’émergence d’initiatives locales, qu’elles relèvent de dispositifs institutionnalisés (conseils d’enfants ou de jeunes, soutien à la mise en œuvre de projets individuels, entre autres) ou de projets ponctuels rattachés aux associations actives dans le domaine des activités extrascolaires (associations de quartier, centres d’animation, centres aérés, clubs, etc.).

Ainsi le principe de subsidiarité, tel qu’il se donne à voir en Suisse, promeut le développement de dispositifs adaptés aux « cultures institutionnelles » locales. Cette spécificité du fonctionnement des organisations favorise la mise en œuvre de solutions à l’échelle communale et cantonale dont la teneur dépend des associations, des administrations publiques, ainsi que de l’orientation politique des gouvernements. Notons, à ce propos, que les conseils d’enfants et/ou de jeunes constituent l’instrument privilégié par les villes en matière de promotion de la participation décisionnelle et/ou consultative des jeunes habitant·e·s. Cette apparente homogénéité dans le choix de l’instrument laisse pourtant entrevoir une grande diversité dans la mise en œuvre concrète des dispositifs. Ainsi, en ce qui concerne les enfants plus particulièrement, Berne et Bâle ont opté pour des « bureaux » centralisés – un dans chacune des deux villes –, alors que Lausanne et Genève ont privilégié une approche décentralisée en liant les « conseils » aux quartiers.

Néanmoins et malgré la diversité des projets locaux et des objectifs qu’ils poursuivent, l’analyse des dispositifs institutionnalisés met en évidence des points communs. Tous sont dégagés d’une appartenance politique et sont par définition non partisans. De plus, ils sont non représentatifs au sens où les enfants et les jeunes qui s’y engagent ne sont pas élus démocratiquement. De ce fait, les enfants et les jeunes – les durées d’engagement peuvent être très variables – ne sont pas porteurs d’une délégation politique et ne défendent pas forcément les intérêts de l’ensemble de la population enfantine ou juvénile d’une ville ou d’un quartier. Ce détachement des espaces participatifs adressés aux enfants et aux jeunes par rapport aux institutions politiques locales leur permet de bénéficier d’une relative indépendance, notamment du point de vue des projets qui y sont réalisés, mais nuit parfois à leur visibilité.

Se pose donc la question de la place occupée par ces dispositifs encourageant la participation dans le tissu associatif et politique local et, par conséquent également, de la reconnaissance des enfants et des jeunes en qualité d’interlocuteurs valables. Un premier constat réside dans l’ambiguïté du positionnement institutionnel de ces dispositifs. Adressés à une classe d’âge – les enfants ou les jeunes – les projets rattachés au secteur associatif et les conseils sont tout à la fois un soutien à la prise de parole de celles et ceux qui sont généralement absent·e·s ou exclu·e·s des débats publics, et une limitation des prérogatives des participant·e·s à des objets strictement liés à leurs spécificités d’enfants ou de jeunes. Le risque d’essentialisation de l’enfance ou de la jeunesse comme catégorie homogène, « qui va de soi », est grand, tout comme celui de ne pas les considérer comme des pairs au sens de Fraser. Selon la philosophe, être pair, suivant le principe de parité, signifie que les individus sont reconnus, à égalité, dans leur diversité et dans leur complexité. Dans ce sens, elles et ils ne sont pas les représentant·e·s d’une seule catégorie sociale. Le deuxième constat, découlant du premier, est que la reconnaissance des enfants et des jeunes dans leur diversité soulève la question de la redistribution des ressources et des capacités à s’exprimer, d’autant plus si l’on tient compte des inégalités sociales et de genre qui traversent les publics juvéniles constituant ou appelés à faire partie des dispositifs participatifs.

Références

Fraser, N. (2005). Qu’est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et redistribution. Paris : La Découverte.

Golay, D. & Malatesta, D. (2014). From formal rights to living rights : potentialities and limits of children’s councils in terms of children’s recognition as social actors. Global Studies of Childhood, 4(2), 89-100.

Office fédéral des assurances sociales (Éd.) (2014). État actuel de la politique de l’enfance et de la jeunesse en Suisse. Berne : Office fédéral des assurances sociales.

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