Organisation du territoire
Version originale en allemand
L’urbanisation s’est fortement développée en Suisse au cours du XXe siècle. Avec cette expansion, la nécessité de planifier l’urbanisation s’est d’abord faite sentir dans les villes, puis dans les autres régions du pays. Les premiers plans d’affectation, qui régissent le type et l’étendue de l’utilisation du territoire dans une zone donnée, ont été élaborés au niveau communal dans les années 1930. En 1969, un article a été ajouté dans la Constitution fédérale, attribuant à la Confédération la compétence d’édicter la législation de base en matière d’aménagement du territoire. La loi fédérale sur l’aménagement du territoire est entrée en vigueur en 1980.
En Suisse, l’aménagement du territoire est marqué par le système d’État fédéral. Dans toute la mesure du possible, les décisions sont prises au niveau politique le plus bas, c’est-à-dire au niveau de la commune. La tâche est déléguée au niveau politique supérieur approprié si le niveau inférieur est dépassé, par exemple lorsque les effets de la planification dépassent les frontières communales.
La Confédération limite sa législation sur l’aménagement du territoire à quelques domaines seulement : la loi sur l’aménagement du territoire contient des prescriptions relatives aux instruments d’aménagement à utiliser par les cantons et les communes, des règles de coordination pour les mesures ayant une influence sur le territoire, ainsi que des règles de base centrales d’aménagement du territoire, telles que la délimitation des zones à bâtir ou leur étendue admissible. En plus de ce rôle limité dans l’aménagement du territoire dans un sens restreint, la Confédération exerce son influence sur l’organisation du territoire dans d’autres domaines politiques. C’est notamment le cas de la politique des transports, par exemple l’aviation, les infrastructures ferroviaires et les routes nationales, la politique agricole, la politique régionale ainsi que la politique financière et fiscale.
Les cantons sont responsables de l’établissement de plans d’aménagement. D’une part, ils édictent une législation d’application cantonale sur l’aménagement du territoire. Ces lois cantonales sur l’aménagement du territoire et la construction définissent les instruments de planification, les termes, les procédures et les prescriptions en matière de construction et de conception des bâtiments. D’autre part, les cantons élaborent des plans directeurs dans lesquels ils précisent la coordination des activités ayant une influence sur l’aménagement du territoire cantonal. Les plans directeurs sont souvent fondés sur des objectifs de politique sociale, tels que la promotion d’un certain degré de mixité sociale. Ils sont approuvés par le Conseil fédéral et sont contraignants pour les autorités de la Confédération, des cantons et des communes.
Dans la plupart des cantons suisses, ce sont les communes qui sont responsables des plans d’affectation. Ces plans, détaillés et obligatoires pour les propriétaires fonciers, délimitent les zones à bâtir et les zones non constructibles. Ils définissent le type d’utilisation ainsi que l’étendue constructible dans les zones à bâtir. Les plans d’affectation comprennent habituellement un règlement et un plan de zones. C’est sur la base de ces plans d’affectation que les communes, la plupart du temps, octroient des permis de construction pour chaque projet.
La politique d’organisation du territoire et l’aménagement du territoire influencent la composition socioéconomique de la population dans l’espace, notamment par le biais du marché immobilier et du logement. Avec leurs instruments d’aménagement du territoire, les cantons et les communes fixent les conditions-cadres du développement du territoire. Ils déterminent la densité de construction autorisée dans une zone donnée ainsi que l’utilisation autorisée. Ils influencent ainsi l’offre de terrains à bâtir et, indirectement, la disponibilité de logements dans une zone donnée. La demande de logements est actuellement très forte dans les villes suisses. Les prix des logements y sont plus élevés qu’en zone périurbaine. Les ménages à faible revenu se déplacent en conséquence vers ces régions.
Les offres de transport mises à disposition par le secteur public influencent également la mixité sociale des villes et des agglomérations. L’extension du réseau routier et de l’offre de RER au XXe siècle a permis la séparation spatiale des lieux de vie et de travail et de formation. De grandes agglomérations urbaines se sont formées en Suisse. Grâce aux facilités d’accès, les ménages à revenus élevés peuvent choisir des lieux de résidence de haut standard mais éloignés des lieux de travail au centre-ville.
Le 3 mars 2013, l’électorat suisse a approuvé à plus de 60 % des suffrages exprimés une modification de la loi sur l’aménagement du territoire. Cet amendement vise notamment à limiter l’expansion urbaine et à stopper le mitage du territoire. La loi exige des cantons de prouver que les zones à bâtir se limitent aux besoins prévisibles sur quinze ans. En parallèle, ils sont tenus de renforcer l’urbanisation dans les zones à bâtir existantes. Ces dernières années, ce principe, appelé développement interne, est devenu la logique prépondérante de l’aménagement du territoire en Suisse. L’espace est limité, en particulier dans les centres économiques, et il doit être utilisé le plus efficacement possible compte tenu de la croissance démographique continue. Limiter l’urbanisation peut produire des conflits d’intérêts notamment en vue d’objectifs de politique sociale : une pénurie de terrains à bâtir entraîne une augmentation des loyers, ce qui rend la recherche d’un logement de plus en plus difficile pour les ménages à faible revenu.
La raréfaction croissante du sol en tant que ressource et la hausse des prix du logement qui en découle constituent de véritables défis sociaux. Il existe une volonté de promouvoir ou de préserver la mixité sociale dans diverses villes et agglomérations. Afin de permettre aux ménages moins aisés de vivre dans les centres urbains, les grandes villes, en particulier, ont pris diverses mesures au cours des dernières décennies. De nombreuses villes et communes construisent elles-mêmes des logements à loyer modéré ou cèdent des terrains à des promoteurs immobiliers d’utilité publique. Ces derniers y construisent du logement abordable. Cependant, l’accent est de plus en plus mis sur l’aménagement du territoire : la valeur ajoutée que les propriétaires fonciers retirent de l’aménagement du territoire peut être utilisée pour la construction de logements à loyer modéré. Certaines communes lient l’urbanisation, dans certaines zones, à la construction de logements à loyer modéré. Reste à voir si ces mesures d’organisation du territoire en particulier et d’autres, plus générales, suffiront à promouvoir l’habitat à loyer modéré.
Références
Association suisse pour l’aménagement national VLP-ASPAN (Éd.) (2012). Aménagement du territoire en Suisse : introduction. Berne : VLP-ASPAN.Beck, L., Diggelmann, H., Eugster, C., Haase, R. & Thoma, M. (2012). Logements à prix modérés à l’aide de mesures d’aménagement du territoire ? Analyse d’impact et recommandations [sur mandat de l’Office fédéral du logement] – résumé. Zurich : Ernst Basler + Partner.
Häussermann, H., Siebel, W. & Wurtzbacher, J. (2004). Stadtsoziologie : Eine Einführung. Frankfurt a.M. : Campus.