Santé sexuelle
Cette définition relaie une vision positive de la sexualité. Elle la considère comme une composante importante du bien-être et de l’épanouissement individuel qui a le droit d’être vécue sans contrainte ni discrimination et qui concerne à la fois les sphères individuelle et sociale. En tant qu’aspect central de l’être humain, la sexualité est présente tout au long de la vie. Elle ne se limite pas à la reproduction mais comprend le sexe biologique, l’identité et les rôles sexuels, l’orientation sexuelle, l’érotisme, le plaisir, l’intimité et la reproduction. Elle peut être vécue sous forme de pensées, fantasmes, désirs, de croyances, attitudes, valeurs, de comportements, pratiques, rôles et relations. Elle est influencée par des facteurs biologiques, psychologiques, sociaux, économiques, politiques, culturels, éthiques, juridiques, historiques, religieux et spirituels.
La santé sexuelle est dès lors un état d’équilibre dynamique en lien avec la sexualité et la reproduction. Pour être atteinte, maintenue et développée, elle doit être soutenue par des mesures qui agissent à la fois sur le renforcement des connaissances et compétences des individus (information, éducation sexuelle, conseil psychosocial, prévention, etc.) et sur le développement de conditions cadre sociales, économiques et juridiques favorables (accès aux prestations, défense des droits humains, mesures et législation de protection, etc.). La santé sexuelle est indissociable des droits sexuels. Ces derniers sont les droits humains liés à la sexualité et à la reproduction. Ils émanent des droits à la liberté, à la sécurité, à l’égalité, au respect de la vie privée, à l’autodétermination, à l’intégrité et à la dignité de tout individu. Les droits sexuels ne sont pas formalisés dans une déclaration politique mais ont été explicités par différentes organisations internationales comme en 2008 par la Fédération internationale de planification familiale (IPPF) ou en 2014 par l’Association mondiale pour la santé sexuelle (WAS). En tant que droits humains, ils sont des droits fondamentaux, universels, inaliénables et indivisibles qui doivent être respectés, protégés et garantis.
Si le droit à la santé sexuelle et reproductive fait partie intégrante du droit à la santé, il est indissociable d’autres droits humains (Comité des droits économiques, sociaux et culturels 2016 n°22, art.12). Il se traduit par le droit à vivre une vie sexuelle satisfaisante et agréable, exempte de toute forme de coercition, de discrimination et de violence, le droit à l’intégrité corporelle, le droit de choisir un·e partenaire, le droit aux relations sexuelles et au mariage consensuels, le droit à l’information et à l’éducation sexuelle, le droit de décider librement et de façon responsable du nombre d’enfants, de l’intervalle, du moment pour en avoir et des moyens pour y arriver, le droit d’accès aux services de santé sexuelle et reproductive. Au niveau international, depuis la Conférence sur la population et le développement du Caire en 1994, la santé sexuelle et reproductive ainsi que les droits ont été introduits dans différents accords ou programmes tels que le Programme d’action de l’ONU en faveur du développement durable à l’horizon 2030, la Stratégie 2016-2021 de l’ONUSIDA ou les Standards de l’OMS Europe pour l’éducation sexuelle en Europe (2010). Les droits sexuels sont aussi régulièrement utilisés comme outils de référence dans les processus d’évaluation des droits humains de l’ONU et la Suisse a ratifié différentes conventions, notamment celle sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes (1979) et celle des droits de l’enfant (1989).
En Suisse, les prestations publiques de santé sexuelle se sont développées à partir de deux principales thématiques : la santé reproductive et la lutte contre le VIH/sida. Les mesures actuelles découlent essentiellement de la loi sur les épidémies du 28.09.2012 (LEp) sur laquelle repose le Programme national VIH/IST (PNVI), et de la loi fédérale sur les centres de consultation en matière de grossesse du 9 octobre 1981, base aux prestations en santé sexuelle, planning familial et éducation sexuelle. La santé sexuelle et les droits ne sont pas régis par une loi fédérale spécifique. Ils sont codifiés dans différents articles de la Constitution, du Code civil, du Code pénal ou encore dans des lois et directives d’application nationales ou cantonales. L’assurance-maladie obligatoire permet de couvrir une large gamme de soins médicaux incluant l’interruption de grossesse (article 119 – 120 du Code pénal) et tous les cantons offrent du conseil gratuit et confidentiel en lien avec la grossesse, la contraception et le planning familial ainsi que des prestations de prévention, dépistage et soins liés au VIH et autres infections sexuellement transmissibles. Ce dispositif est complété par des mesures liées au domaine de la violence, notamment sexuelle, essentiellement régi par le Code pénal suisse et la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI) du 23 mars 2007. Existent aussi des programmes nationaux de lutte contre les mariages forcés ou de prévention de la violence chez les jeunes.
De manière générale, la population suisse bénéficie de prestations de bonne qualité en matière de santé sexuelle. Cependant, en raison de barrières linguistiques, de situations sociales défavorisées, de stéréotypes, de handicaps ou de lacunes législatives, les requérant·e·s d’asile, les personnes homosexuelles, trans* ou intersexuelles (LGBTI), celles vivant avec le VIH ou un handicap, les professionnel·le·s du sexe, ou certain·e·s migrant·e·s subissent des discriminations et ne bénéficient pas du même accès aux prestations que la majeure partie de la population suisse. Les personnes homosexuelles, trans* ou intersexuelles sont par exemple victimes de discriminations liées à des lacunes juridiques, notamment dans le droit privé, qui aboutissent à des traitements différents de celui des personnes hétérosexuelles. L’accès à certaines prestations, notamment à la contraception et à l’interruption de grossesse, reste précaire pour les femmes requérantes d’asile en raison du manque de prise en compte de la santé sexuelle dans les procédures d’accueil et de systèmes de financement souvent insatisfaisants. L’égalité d’accès aux prestations n’est pas garantie non plus en matière d’éducation sexuelle, dont la responsabilité incombe aux cantons. La lutte contre toute forme de discrimination liée au genre, à la sexualité ou à l’orientation sexuelle et la défense de l’égalité d’accès aux prestations pour tous les groupes de la population restent donc des priorités en Suisse.
Pour répondre aux défis actuels, les cadres existants ne sont toutefois pas suffisants. Le manque d’investissements dans la prévention, la promotion de la santé et le dépistage précoce, l’application différente des lois en fonction des cantons et l’absence d’une vision globale en matière de santé sexuelle amènent aujourd’hui la Suisse à réfléchir à l’opportunité de développer une stratégie nationale basée sur les droits. En ce sens, l’ancienne « Commission fédérale pour les questions de sida » a été renommée en 2012 « Commission fédérale pour la santé sexuelle ». Dans la même année, elle a officialisé une première définition de la santé sexuelle pour la Suisse qui définit cinq domaines d’action prioritaires : santé sexuelle et santé psychique, santé reproductive, VIH et autres IST, violences sexuelles et éducation à la santé sexuelle.
Cette compréhension de la santé sexuelle ouvre de nouvelles perspectives en vue d’une approche coordonnée et transversale aux politiques sanitaires, sociales, éducatives, d’égalité et d’intégration. Dans l’attente d’une stratégie nationale les cantons se mobilisent pour répondre adéquatement aux besoins. Preuve en est la publication Stratégie globale de promotion de la santé sexuelle. Guide pour une politique cantonale, éditée en 2016 par la Conférence latine des Affaires sanitaires et sociales (CLASS) en collaboration avec SANTÉ SEXUELLE Suisse, la Fondation qui promeut en Suisse la santé sexuelle et reproductive ainsi que les droits qui lui sont liés.
Références
Commission fédérale pour la santé sexuelle (2015). Santé sexuelle : une définition pour la Suisse. Berne : Commission fédérale pour la santé sexuelle.Fédération internationale de planification familiale (2008). Déclaration des droits sexuels. London : Fédération internationale de planification familiale.
Tshibangu, N. & Voide Crettenand, G. (2016). Stratégie globale de promotion de la santé sexuelle : guide pour une politique cantonale. Lausanne : Conférence latine des affaires sanitaires et sociales, SANTÉ SEXUELLE Suisse.