Recherche en politique sociale
Version originale en allemand
Deuxièmement, la recherche en politique sociale sert à élaborer des analyses scientifiques d’impact. Les changements sociétaux et économiques ont un impact sur l’État social ; à son tour, l’État social, avec ses différents instruments, influence les conditions de vie de la population, que ce soit dans son ensemble ou pour certains groupes de personnes ou situations de vie particulières. Les analyses scientifiquement fondées de la recherche en politique sociale ont pour but d’identifier d’éventuels besoins d’action ou d’aménagement actuels ou prévisibles concernant l’État social et ses divers instruments.
Troisièmement, l’objet de la recherche en politique sociale est également de formuler des propositions d’amélioration. La recherche en politique sociale est supposée mettre en évidence des options, avec leurs points forts et leurs points faibles respectifs, ou leurs opportunités et leurs risques, qui permettraient de répondre aux éventuels besoins d’action et d’aménagement. La recherche en politique sociale doit contribuer à ce que les instruments de politique sociale soient conçus de manière à obtenir l’effet escompté (effet visé) du mieux possible et à réduire au minimum les effets non escomptés (effet involontaire). Les effets des instruments et mesures mis au point doivent être socialement équitables, efficients et efficaces (impact maximal avec un minimum de moyens) et compatibles avec le droit supérieur (conformité avec les droits fondamentaux).
La politique sociale de l’État fédéral suisse étant définie comme une tâche commune de la Confédération et des cantons, le secteur public joue un rôle de premier plan également dans la recherche en politique sociale aux côtés des acteur·trice·s privé·e·s (comme les fondations privées ou les groupes de réflexion d’orientation sociopolitique) : citons notamment la recherche de l’administration fédérale, dont l’objectif est de produire les connaissances scientifiques dont l’administration fédérale et la politique fédérale ont besoin pour remplir leurs missions. Dans le domaine de la politique sociale, il existe des bases juridiques particulières, comme dans la loi sur l’assurance-invalidité, qui obligent expressément la Confédération à entreprendre des « études scientifiques » sur la mise en œuvre des réglementations de l’assurance-invalidité. À côté de cette recherche sous mandat de l’administration fédérale, le secteur public accorde des subventions à la recherche indépendante, notamment dans le cadre du Fonds national suisse de la recherche scientifique, avec ses programmes et ses accents particuliers. Dans le secteur de l’enseignement supérieur, la recherche en politique sociale est de plus en plus souvent pratiquée non seulement dans les universités, mais aussi dans les hautes écoles spécialisées.
Les questions de la recherche en politique sociale sont le plus souvent formulées de manière interdisciplinaire : des méthodes et des questions issues de l’anthropologie, du droit, de l’économie, de l’éthique, de l’histoire, de la psychologie, des sciences politiques et de la sociologie sont utilisées pour analyser et présenter la situation sociale et économique de la population dans tous les domaines de la vie de manière fondée et dans la perspective de chacune de ces disciplines.
La science politique, par exemple, met l’accent sur l’émergence de réglementations politico-sociales en tant que résultats de l’interaction de forces politiques et de leurs solutions, sur la mise en œuvre de politiques (en tant qu’interaction entre réglementation, contexte et exploitation de marges de manœuvre dans la mise en œuvre) et sur les impacts de la politique dans ses effets visés et involontaires.
La recherche économique en politique sociale étudie quant à elle notamment les effets de redistribution qui peuvent se déployer horizontalement, c’est-à-dire en considérant différentes phases de la vie ou générations (bilans générationnels), ou verticalement, soit mesurés à l’aune de la performance économique. L’étude des rapports coûts-avantages de services sociopolitiques (p. ex. des services de prise en charge extrafamiliaux des enfants) peut également faire partie de la recherche économique en politique sociale.
En guise de troisième exemple, citons le droit, qui utilise de plus en plus l’instrument de l’analyse prospective de l’impact de la législation, généralement sous une forme virtuelle, dans laquelle on développe un modèle pour simuler la façon dont les normes prévues sont susceptibles d’être mises en œuvre aux divers niveaux administratifs, et les effets concrets qu’elles pourraient avoir.
Ces différentes branches de la science disposent d’une grande variété de méthodes scientifiques qui, selon l’objet de la recherche, sont davantage axées sur la quantité ou la qualité : analyse de données et de documents, enquêtes, études de cas, expériences, comparaisons, expériences pilotes, groupes de réflexion, interviews écrites ou téléphoniques, observations et analyses de réseaux. Cette pluralité de méthodes permet de recenser les effets des mesures de politique sociale de manière différenciée et à l’aide de l’instrument optimal, de les évaluer en fonction de leur capacité à atteindre les objectifs et d’identifier les besoins d’ajustement (amélioration de l’efficience ou de l’efficacité).
L’objet de la recherche en politique sociale peut être très varié : celle-ci peut porter sur des instruments et mesures précis (niveau micro, p. ex. la question de savoir comment une prestation financière influence le comportement de son bénéficiaire), ou examiner tel ou tel impact au niveau du système global (niveau macro, p. ex. l’effet de l’aménagement de la prévoyance vieillesse sur les rentes des hommes et des femmes). La recherche en politique sociale peut aussi délaisser la perspective purement nationale pour comparer l’organisation de l’État social de son pays avec les solutions d’autres pays, ce qui peut apporter des connaissances à plusieurs égards : la comparaison internationale peut montrer si d’autres instruments et mesures que ceux utilisés au niveau national offrent une solution plus efficiente et plus efficace pour certaines situations problématiques, mais elle peut aussi aider à mettre en lumière des liens de cause à effet ou contribuer à la théorisation.
Le discours sociopolitique public et la politique ont besoin d’analyses et d’interprétations fondées et théoriquement justifiées concernant les problèmes des citoyen·ne·s. La science engagée et indépendante doit contribuer à identifier des problèmes émergents à un stade précoce grâce à une analyse approfondie, et proposer des mesures appropriées et ciblées aux décideurs politiques. La recherche en politique sociale possède à cet égard une valeur intrinsèque, que ses résultats soient mis en œuvre ou non par la politique qui suit ses propres logiques et ses propres lois.
Références
Bundesamt für Sozialversicherungen (2017). Forschungskonzept 2017-2020 : Soziale Sicherheit. Bern : Bundesamt für Sozialversicherungen.Busemeyer, M. (Hrsg.) (2013). Wohlfahrtspolitik im 21. Jahrhundert : Neue Wege der Forschung. Frankfurt a.M. : Campus.
Stoker, G. & Evans, M. (Eds.) (2016). Evidence-based policy making in the social sciences : methods that matter. Bristol : Policy Press.