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Action sociale (système d’)

Carlo Knöpfel

Version originale en allemand


Première édition: December 2020

Le système d’action sociale englobe l’ensemble des institutions, établissements et organisations qui fournissent des prestations matérielles et des prestations de service sociale. C’est aussi le lieu du travail social et de l’innovation sociale. Il est façonné par la politique sociale et est essentiellement régi par le droit social. De là découlent les valeurs telles que la solidarité ou le sentiment d’appartenance, mais aussi le principe de responsabilité personnelle et d’entraide, qui caractérisent encore aujourd’hui le système d’action sociale. Les points de contact avec d’autres sphères sociales, telles que l’éducation et la santé, sont nombreux. Le système d’action sociale peut être décrit et analysé par organismes responsables, types de prestations, groupes cibles et critères régionaux.

Il est ici compris comme un lieu organisé de l’État social. De là résulte une démarcation avec l’aide informelle, que ce soit dans le cadre de la solidarité familiale, des cercles d’ami·e·s ou de l’aide entre voisin·e·s. Néanmoins, ce sont précisément ces prestations sociales qui contribuent de manière significative à la sécurité sociale et à la bonne prise en charge des citoyen·ne·s.

Suivant le concept du welfare mix, trois secteurs peuvent être distingués dans le système d’action sociale : l’État, l’économie privée et un « tiers secteur ». Ce tiers secteur, souvent appelé société civile, réunit un groupe extrêmement hétérogène d’acteur·trice·s sociaux·ales comme les œuvres d’entraide, les fondations philanthropiques à vocation sociale, les groupes d’entraide ou les organisations d’intervention bénévole. Par conséquent, vu les attentes des citoyen·ne·s d’un pays vis-à-vis du système d’action sociale, on peut distinguer entre les droits vis-à-vis de l’État social, les offres d’entreprises sociales organisées selon les principes de l’économie privée et les demandes à des organisations caritatives à vocation sociale. Cette distinction conduit également à la poursuite d’objectifs différents. Les droits résultent du droit social, les offres des entreprises sociales découlent de la demande axée sur le pouvoir d’achat, les appels aux organismes caritatifs dérivent de leur orientation sur les situations sociales problématiques qui ne sont pas couvertes par des droits utilisables ni par des offres abordables. Les fondations, elles, jouent un rôle particulier dans le sens de l’engagement philanthropique. Elles font parfois pression sur l’État social lorsqu’elles se mettent à disposition pour des financements d’impulsion et s’attendent par conséquent à ce que l’État social reprenne ultérieurement les innovations sociales réussies.

Le système d’action sociale moderne est né en Europe lors du passage du XIXe au XXe siècle. Dans un premier temps, les organisations caritatives dominent le système d’action sociale, comme la diaconie des églises ou les sociétés de secours privées de citoyen·ne·s aisé·e·s, mais dès le début du XXe siècle, l’État-providence se développe et le système d’action sociale est de plus en plus façonné par le secteur public. Les organismes de bienfaisance qui, comme par exemple en Allemagne, ne se transforment pas en organisations exploitant des jardins d’enfants, des écoles, des hôpitaux ou des homes pour personnes âgées perdent en importance. L’idée de l’État social façonne le système d’action sociale pendant plusieurs décennies, même si le « principe de solidarité » de l’entraide syndicale continue à concurrencer pendant un certain temps encore le « principe d’État » de la bourgeoisie. Petit à petit et de manière peu coordonnée, les risques sociaux majeurs sont couverts par les assurances sociales (souvent déclarées obligatoires pour toutes ou tous ou, au moins, pour toutes les personnes actives).

De plus, ce qui est souvent passé sous silence, l’économie privée a joué dès le début un rôle important dans le système d’action sociale. Par exemple, les entreprises gèrent leurs propres assurances-maladie, d’abord sous la pression des syndicats puis en coopération avec eux, elles proposent une prévoyance vieillesse à leurs employés, participent à la construction de logements sociaux et s’engagent dans le domaine des loisirs. Aujourd’hui, elles s’engagent en plus dans le cadre de la corporate social responsability. Toutefois, les accords de partenariat social sont et restent une force motrice dans l’élaboration et le développement du système d’action sociale.

Une nouvelle évolution peut être observée lors du passage du XXe au XXIe siècle. Le système d’action sociale devient un secteur lucratif pour les entreprises privées, d’une part, en raison de la privatisation des tâches incombant à l’État-providence. Dans le cadre de contrats de prestations, non seulement des œuvres d’entraide mais aussi des entreprises privées à but lucratif travaillent pour l’État social, par exemple dans l’accueil et le logement des demandeur·euse·s d’asile ou au service de recouvrement des services sociaux communaux. L’État social devient un État garant technocratique et se replie de plus en plus sur son rôle de financeur et de contrôleur, notamment dans le domaine des prestations de service sociale, dans la logique du new public management. D’autre part, des entreprises de services privées et indépendantes apparaissent de plus en plus dans le secteur social, attirées par les opportunités de faire des « affaires lucratives avec le social ». Par exemple, elles exploitent des homes et des crèches privés sur des marchés initiés, régulés et contrôlés par l’État social, offrent des conseils, une assistance et un suivi dans le domaine des services d’aide et de soins à domicile ou encouragent la construction de logements sociaux.

Le système d’action sociale suisse présente un certain nombre de particularités quant à ses origines et à ses caractéristiques. Les luttes pour la conception des assurances sociales sont par exemple marquées par les droits populaires de la démocratie directe et plus particulièrement par le droit de référendum, et font de la Suisse un pays en retard en matière d’État social. Il faut souvent plusieurs tentatives de vote pour voir se dessiner des majorités en faveur de nouveaux systèmes de sécurité régulés par la loi. La structure fédérale de l’État se reflète également dans le système d’action sociale. C’est ainsi que les premières assurances sociales publiques ont vu le jour dans de grandes villes comme Berne ou Zurich. Aujourd’hui, l’État social suisse est structuré par des assurances sociales nationales, des prestations cantonales sous condition de ressources et par l’aide sociale organisée majoritairement au niveau communal. Les prestations de service sociale sont principalement prises en charge aux niveaux cantonal et communal, bien qu’il existe des organismes nationaux tels que la Croix-Rouge suisse ou Pro Senectute Suisse. Ces prestations de service sociale incluent le conseil en matière d’endettement pour les personnes en situation de pauvreté, l’accompagnement des personnes dans le besoin, les mesures d’insertion professionnelle pour les chômeur·euse·s de longue durée et les offres de prise en charge pour les personnes âgées. Une autre particularité de la Suisse est le sens spécifique donné à la subsidiarité dans l’État social. Les principales sources de la sécurité sociale sont l’emploi rémunéré et la famille. Le système d’action sociale n’entre en jeu de manière subsidiaire que dans un second temps. Cette conception est illustrée par le premier alinéa de l’article 41 de la Constitution fédérale, qui traite des buts sociaux. Celui-ci stipule que la Confédération et les cantons s’engagent en faveur de ces buts sociaux en complément de la responsabilité individuelle et de l’initiative privée.

Le système d’action sociale suisse est con­fronté à de nombreux défis. La concurrence natio­nale et mondiale entre places économiques n’épargne pas le système d’action sociale. On se demande de plus en plus si l’État social doit être considéré comme un facteur de compétitivité positif parce qu’il contribue de manière décisive à la paix sociale, au bien-être général et à la stabilité politique, ou comme un facteur de coût en ce qu’il réduit la compétitivité des entreprises, auquel cas son influence doit être amenuisée. L’évolution démographique ne fait pas seulement peser une charge croissante sur le financement de la prévoyance vieillesse, mais pose également la question du travail de care non rémunéré au vu de l’évolution des modes de vie familiaux. Enfin, les modifications des rapports de force dans le champ politique imposent de réaliser des économies également dans le secteur social et d’étendre les possibilités de sanction. Au-delà de ces tendances, des discussions sont également en cours en Suisse quant à la nécessité de remanier profondément le système d’action sociale. Certains prônent un revenu de base garanti, d’autres des systèmes automatiques dans les assurances sociales suivant la logique du frein à l’endettement dans la politique budgétaire.

Références

Castel, R. (1995). Les métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat. Paris : Fayard.

Epple, R. & Schär, E. (2010). Stifter Städte Staaten : Zur Geschichte der Armut, Selbsthilfe und Unterstützung in der Schweiz 1200-1900. Zürich : Seismo.

Riedi, A. M., Zwilling, M., Meier Kressig, M., Benz Bartoletta, P. & Aebi Zindel, D. (2015). Handbuch Sozialwesen Schweiz (2., überarb. und erg. Aufl.). Bern : Haupt.

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