Hôpitaux
Version originale en allemand
Les hôpitaux publics et privés peuvent briguer des mandats de prestations. Selon l’Office fédéral de la statistique, les hôpitaux publics sont des établissements gérés par une collectivité publique. Tous les autres hôpitaux sont considérés comme privés, y compris ceux qui sont de propriété publique, mais disposent de leur forme juridique propre, par exemple une société anonyme (à but lucratif ou non) détenue par une commune, un groupe de communes ou un canton. En raison de la pression sur les coûts et du renforcement de la concurrence, les hôpitaux sont, de plus en plus souvent, contraints de fournir leurs prestations en couvrant au moins les coûts, voire, selon leur statut, en dégageant un bénéfice.
Les hôpitaux existent en Suisse depuis le début du Moyen-Âge. Créés à l’origine par des institutions ecclésiastiques désireuses de proposer des établissements d’assistance aux personnes nécessiteuses, étrangères et lépreuses et financés par des fondations, ils sont devenus au fil des siècles la pierre angulaire des soins de santé pour l’ensemble de la population et, à partir des années 1980, un secteur de plusieurs milliards de francs.
La couverture financière obligatoire en cas de maladie est désormais réglementée par la LAMal pour toutes les couches de la population. Les cantons sont responsables de sa mise en œuvre. Chacun d’eux tient une liste des hôpitaux qui sert à déterminer dans quels hôpitaux, à l’intérieur et à l’extérieur du canton, les habitant·e·s du canton peuvent recourir aux prestations de l’AOS. En cas de maladie, les prestations non couvertes par l’AOS doivent être prises en charge par les patient·e·s eux- ou elles-mêmes ou par leur assurance complémentaire.
Pour obtenir un mandat de prestations, les hôpitaux publics et privés doivent postuler auprès de la direction cantonale de la santé compétente pour le mandat de prestations correspondant. Les mandats de prestations ne sont attribués qu’aux hôpitaux qui remplissent les critères requis, tels que la qualification du personnel, l’infrastructure spécifique et le nombre minimum de cas pour certains traitements spécialisés.
Les prestations dispensées en milieu hospitalier sont rémunérées selon un système de forfaits par cas conformément au SwissDRG (Swiss Diagnosis Related Groups). SwissDRG est un modèle qui, comme tous les modèles, ne reflète pas entièrement la réalité. Dans les faits, il existe des cas rentables et des cas déficitaires ; les deux sont censés s’équilibrer selon le principe des moyennes. En réalité, les « cas médicalement complexes » et les « cas socioéconomiquement complexes » ne sont pas suffisamment rémunérés. Cette situation représente une charge particulièrement lourde pour les hôpitaux universitaires et ceux des centres urbains : ils ne peuvent pas transférer les cas complexes et donc coûteux et assument ainsi une fonction de prestataires finaux.
La « complexité médicale » est en partie compensée par des prestations de services publics et des taux de base plus élevés. Mais les dépenses consacrées au traitement, aux soins et au suivi individualisé ne sont pas compensées spécifiquement lorsqu’il s’agit de patient·e·s dans des situations socioéconomiques complexes tels que les personnes âgées multimorbides, celles issu·e·s de la migration, ou ayant des problèmes de dépendance ou de logement ou encore les patient·e·s célibataires très jeunes en détresse financière. En raison de la pression croissante sur les coûts, les hôpitaux publics et privés sont, de plus en plus souvent, amenés à se demander combien le traitement d’un ou d’une patiente peut leur coûter, ou combien de prestations déficitaires ils sont disposés à assumer avec leur organisme responsable.
Le nouveau système de financement hospitalier incite les hôpitaux à travailler le plus efficacement possible, à réduire leurs coûts et à augmenter leurs profits. Outre l’optimisation interne et l’amélioration des processus, le positionnement et la sélection explicite des prestations offertes sont des moyens permettant d’améliorer les résultats. Autrement dit, il s’agit de traiter moins de cas déficitaires et plus de cas lucratifs. Le système de santé, dont l’objectif fondamental consiste à fournir des soins de santé à la population, se transforme ainsi en un marché de plusieurs milliards de francs. Si ses règles sont fixées par le peuple et la politique, elles sont interprétées avec une certaine marge de manœuvre et mises en oeuvre par les différents acteurs (organismes responsables, hôpitaux, assureurs-maladie) en fonction de leur posture et intérêts propres.
L’augmentation des coûts de la santé et la question connexe du rationnement des services de santé sont des préoccupations sur le plan international. La Suisse se distingue des autres pays en cela qu’elle finance les prestations hospitalières stationnaires au moyen d’un système de financement dual : la prestation est prise en charge à environ 45 % par les assureurs-maladie et à environ 55 % par les cantons de résidence. En revanche, les frais des prestations ambulatoires, y compris dans les hôpitaux, sont entièrement à la charge des assureurs-maladie. Dans le passé, l’évolution de la médecine avec ses nouvelles possibilités de traitement a entraîné un transfert des soins stationnaires aux soins ambulatoires. Ce transfert s’est encore accéléré sous l’influence des cantons, à la fois responsables de la planification de la couverture des besoins en soins hospitaliers et de 55 % des coûts des prestations stationnaires. Il en résulte un allègement pour les cantons et les contribuables (coûts de la santé dépendants du revenu) aux dépens des assureurs-maladie et des payeur·euse·s de primes (coûts de la santé indépendants du revenu). Un tel système de financement est exceptionnel en Europe occidentale. Les modèles de financement basés sur un régime d’assurance sociale dépendant du revenu (Allemagne, Autriche, France, p. ex.) et les systèmes de santé financés uniquement par l’État (Grande-Bretagne, Scandinavie, Italie, p. ex.) sont beaucoup plus courants.
Le nouveau financement hospitalier et l’introduction des listes des hôpitaux a enclenché une consolidation du paysage hospitalier qui n’est, aujourd’hui, pas encore achevée. Les coopérations se multiplient. Des hôpitaux ont été fusionnés et certains ont été fermés. De nombreux organismes responsables ont transformé leurs hôpitaux en entités juridiques indépendantes. D’autres hôpitaux sont en passe d’obtenir un nouveau statut juridique ; le résultat de la démarche dépendra du climat politique. Les hôpitaux dotés de leur personnalité juridique propre peuvent réagir plus rapidement à un environnement en constante évolution. Ils sont moins soumis aux intérêts politiques, qui ne coïncident pas toujours avec les intérêts de l’établissement. Dans le même temps, la tendance à l’indépendance fait craindre aux partisans de l’État social que la poursuite de la privatisation des hôpitaux conduise à une perte de l’influence directe des acteur·trice·s de la politique sociale. Une influence qui est de toute façon remise en question par des personnes qui pensent que l’État n’a « rien à faire » dans un système de santé, si ce n’est de garantir les soins de base et d’assumer une surveillance efficace.
La question du financement des soins de santé et donc de la qualité et de l’accessibilité des soins de santé pour toutes et tous fait l’objet d’un débat constant dans le champ de tension entre la société, la politique et l’économie. Ce n’est pas la forme juridique ou le statut d’un hôpital, mais bien sa posture et celle de ses bailleurs de fonds (État et assurance-maladie) dans ce champ de tension qui permettront d’offrir des soins médicaux de qualité à l’ensemble de la population. Ce qui est déterminant est la volonté politique d’assumer les coûts de la complexité médicale et socioéconomique.
Références
Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (2018). Recommandations de la CDS sur la planification hospitalière d’après la révision de la LAMal sur le financement hospitalier du 21.12.2007 et la jurisprudence du 1.1.2012 au1.1.2018 (version rév.). Berne : Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé.Schölkopf, M. & Pressel, H. (2014). Das Gesundheitswesen im internationalen Vergleich : Gesundheitssystemvergleich, Länderberichte und europäische Gesundheitspolitik (3., akt. und erw. Aufl.). Berlin : Medizinisch Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft.