Procédure pénale
La procédure pénale consiste en un corpus de normes destinées à réglementer cette action pénale et à donner un cadre légal aux différentes institutions qui y interviennent. Il s’agit en effet de savoir quand et comment les forces de l’ordre peuvent agir, ce qu’elles ont le droit de faire, quels sont les droits des personnes qui sont suspectées par la police ou par la justice d’avoir commis une infraction, quelles sont les autorités qui dirigent l’action pénale – et qui peuvent interroger des suspect·e·s ou des témoins, effectuer des perquisitions, séquestrer des objets, ordonner des écoutes téléphoniques, relever des empreintes digitales, prélever un échantillon d’ADN, etc. –, quelles sont les différentes instances judiciaires devant lesquelles une affaire pénale peut être traitée, comment se déroule le jugement et quelles sont les voies de recours de la personne condamnée et de la personne lésée lorsque cette dernière s’est constituée partie plaignante.
La procédure pénale apporte donc la garantie que toute personne sera traitée de la même manière lorsqu’elle sera suspectée d’avoir commis une infraction ou lorsqu’elle en aura été la victime. C’est ainsi qu’elle nous concerne tou·te·s, puisque nous sommes tou·te·s susceptibles d’être un jour suspecté·e·s, témoins ou victimes d’une infraction et, de ce fait, de nous poser des questions quant au droit que nous aurions alors de consulter le dossier, de refuser de témoigner contre un·e proche ou de participer à une audience en tant que lésé·e. La procédure pénale permet dès lors non seulement d’inculper des auteur·e·s d’infractions, mais également de disculper des personnes suspectées à tort, de régler le déroulement d’une audition et de prévoir le rôle que peuvent jouer les lésé·e·s, les parties plaignantes et les victimes dans le processus pénal qui devrait mener la justice à condamner la personne coupable. En résumé, le Code de procédure pénale est le code qui contient les garanties octroyées à l’ensemble des justiciables qui pourraient être impliqué·e·s – à un titre ou à un autre et à tort ou à raison – dans une procédure pénale.
En Suisse, depuis l’unification du droit pénal en 1942 et jusqu’en 2010, nous connaissions 25, puis 26 (depuis la fondation du canton du Jura) codes cantonaux de procédure pénale différents. L’unification de la procédure est intervenue le 1er janvier 2011, date d’entrée en vigueur du Code de procédure pénale suisse.
Préalablement à toute action pénale, la société doit avoir défini les actes qu’elle désire ériger en infractions. C’est ainsi que le·la législateur·trice – c’est-à-dire nous tous, puisque nous vivons dans un État démocratique – édicte régulièrement de nouvelles lois pénales en pensant ainsi régler des problèmes sociaux dont on ignore souvent la source, mais dont on croit savoir comment les combattre efficacement. Criminaliser de nouveaux comportements procure en effet le sentiment de s’attaquer à un phénomène et donne surtout bonne conscience, alors qu’en réalité, toute criminalisation pourrait être considérée comme un aveu d’échec d’une politique sociale. Ce n’est en effet que parce que d’autres moyens de résoudre un problème échouent que l’on criminalise. C’est ainsi notamment que la consommation de stupéfiants n’est pas un problème pénal, mais bien un problème de santé publique géré de façon désastreuse par le politique, et qu’il ne serait pas nécessaire de criminaliser la circulation routière si des politiques de préventions adéquates (empêchant par exemple tout excès de vitesse ou toute ivresse au volant par l’intermédiaire de mesures techniques) étaient enfin mises en œuvre.
L’évolution du droit pénal est ainsi faite d’une multitude d’abolitions d’interdits « désuets » (tels de la fornication, le concubinage, l’homosexualité, l’avortement, la prostitution, etc.) et d’un nombre non moins considérable de nouvelles criminalisations (telles que l’abus de carte bancaire, la soustraction ou la détérioration de données informatiques, l’utilisation frauduleuse d’un ordinateur, le blanchiment d’argent, etc.). La question de savoir laquelle de ces deux tendances prédomine n’est pas simple à résoudre. Dans la littérature, il est pourtant fait mention du fait que la plupart des modifications de la législation pénale concernent l’adoption de nouveaux interdits plutôt que la suppression d’incriminations existantes. Il semble d’ailleurs s’agir du résultat d’une longue évolution qui, depuis plusieurs siècles, fait continuellement émerger de nouvelles situations mettant en danger les biens juridiques d’autrui. C’est ainsi qu’avant l’existence du papier, il n’y avait pas lieu de légiférer sur le faux dans les titres et qu’avant l’existence des nouvelles technologies, il ne serait venu à l’idée de personne de criminaliser certains comportements découlant de leur usage. De manière similaire, les infractions de mise en danger (c’est-à-dire créant un risque de lésion, risque qui peut être concret, voire abstrait) étaient inconnues il y a quelques siècles en arrière et se sont développées ces dernières décennies sous l’effet de la multiplication des situations « dangereuses » post révolution industrielle.
Nous vivons dès lors plutôt dans un temps d’accroissement du nombre d’actions pénales engagées. Le·la législateur·trice a ainsi dû trouver un moyen de faire face à cet afflux de dossier à traiter. Il a de ce fait créé – à côté de la procédure pénale ordinaire qui débute par la découverte d’une infraction et qui se termine par l’entrée en force d’un jugement exécutoire en passant par une phase d’instruction, une phase de jugement et éventuellement une série de recours à des instances judiciaires supérieures – une procédure spéciale dite de l’ordonnance pénale. Celle-ci permet au ministère public de faire une proposition de jugement à une personne prévenue qui, si elle n’y fait pas opposition dans un délai de dix jours, accepte sa culpabilité et la sanction ainsi proposée. À l’inverse, si la personne prévenue fait opposition à l’ordonnance pénale, le processus pénal reprend là où il en était resté et sera, le cas échéant, mené jusqu’à son terme, soit un jugement par une autorité judiciaire indépendante. Aujourd’hui, la procédure de l’ordonnance pénale est appliquée dans plus de 90 % des affaires pénales, la procédure dite « ordinaire » s’appliquant donc dans moins de 10 % des cas. Bien que nécessaire face à l’afflux des dossiers, ce traitement de masse implique néanmoins souvent une certaine dépersonnalisation de la procédure pénale en opposition avec le principe de l’individualisation des peines (soit la prise en compte de la singularité des affaires et des circonstances de l’infraction, ainsi que de la trajectoire et la personnalité du délinquant). De plus, le délai étant relativement bref, l’opposition à l’ordonnance pénale peut poser problème surtout pour des personnes vulnérables qui ne comprennent pas nécessairement les conséquences de ce processus.
Références
Jeanneret, Y. & Kuhn, A. (2018). Précis de procédure pénale (2e éd.). Berne : Stämpfli.Kuhn, A. (2008). Procédure pénale unifiée : reformatio in pejus aut in melius ? Charmey : Les Éditions de l’Hèbe.
Piquerez, G. & Macaluso, A. (2011). Procédure pénale suisse (3e éd. entièrement refondue et mise à jour en référence au CPP suisse). Genève : Schulthess.