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Formation continue

Katrin Kraus

Version originale en allemand


Première édition: December 2020

La formation continue est le synonyme de formation des adultes, et peut être décrite comme un domaine de formation pluriel aux délimitations imprécises. Les personnes qui, après leur première phase de vie, constituée généralement de la scolarité, de la formation puis des études, participent à des offres de formation ou les organisent elles-mêmes, ont recours à la formation continue. Le domaine pédagogique de la formation continue est défini en Suisse dans la loi fédérale sur la formation continue (LFCo) et est assimilé à la formation non formelle, c’est-à-dire qu’il inclut toutes les offres de formation structurées en dehors du système de formation formel. Cela comprend les offres les plus variées, du cours pluriannuel à l’exposé unique en passant par les mesures du marché du travail et les cours de cadres, avec différentes durées, différents degrés de financement et de capacité de connexion avec le système éducatif public et le marché du travail.

La formation continue a toujours été étroitement liée à l’évolution économique, politique, technique et sociale d’une société. Les nouveautés économiques et techniques posent des exigences nouvelles aux adultes en matière de connaissances et de savoir-faire, ce qui va de pair avec leurs efforts de qualification correspondants. Les inégalités sociales se reflètent en général directement dans la participation à la formation continue. Dans le même temps, l’accès aux possibilités de formation pour les adultes est essentiel pour la cohésion sociale et pour les mouvements politiques. Ces rapports apparaissent à la fois dans la situation actuelle en Suisse et dans la rétrospective historique.

Au XVIIIe siècle déjà, la bourgeoisie naissante tentait de renforcer la formation continue sous le signe du patriotisme éclairé, dans le but de renforcer les mœurs et les connaissances de l’ensemble de la population. Avec la fin de l’ancien régime, les associations d’éducation populaire et les sociétés d’utilité publique se sont multipliées avec des projets de réformes économiques et politiques pour devenir des institutions de formation d’adultes. Créé dans le sillage de l’industrialisation, le mouvement ouvrier a aussi renforcé la formation continue grâce à son activité de formation motivée par la politique. Puis, les associations artisanales et commerciales ont commencé à proposer à leurs membres des offres de formation continue spécialisée. Au seuil du XXe siècle – tout comme plus tard dans les années 1970 –, l’étroite implication de la formation continue dans les mouvements politiques et sociaux de l’époque est devenue apparente : les mouvements de femmes et d’ouvriers ainsi que les mouvements chrétiens ont créé leurs propres instituts de formation. Les bouleversements politiques à l’échelle mondiale après la Première Guerre mondiale et la grève générale de 1918 en Suisse ont engendré une forte extension de la formation continue, entre autres parce que les cercles bourgeois espéraient qu’avec la création d’universités populaires, la classe ouvrière renoncerait à ses idées socialistes. Durant la deuxième moitié du XXe siècle, les offres orientées vers l’activité professionnelle ont gagné en importance et justifiaient un développement durable de la formation continue, favorisé notamment par la formation continue des chômeur·euse·s, mais surtout par les formations continues coûteuses destinées aux cadres et les activités déployées par la Confédération sur la base de la loi sur la formation professionnelle, par exemple l’offensive en matière de formation continue dans les années 1990.

La Confédération et les cantons, à quelques exceptions près, ont longtemps traîné les pieds en matière de formation continue. Pendant longtemps, la formation continue n’était pas réglée par une loi propre, mais apparaissait dans différentes lois spéciales. Notamment à la demande des fournisseur·euse·s, une loi fédérale sur la formation continue, réclamée de longue date, a enfin été inscrite dans un article de la nouvelle Constitution de 2006 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Elle définit les principes de base et règle l’encouragement de l’acquisition et du maintien des compétences de base chez les adultes ainsi que les subventions fédérales allouées aux organisations de formation continue.

Cette loi est avant tout une loi-cadre et laisse à l’avenir aussi le soin à des lois spéciales de définir des réglementations plus approfondies. Ses principes de base renforcent le principe de concurrence marchande entre les fournisseur·euse·s. Comme le suggère le principe de la responsabilité de la formation continue, cette dernière est avant tout considérée comme un investissement professionnel individuel ou une gestion personnelle du temps libre. La loi sur la formation continue stipule en premier lieu la responsabilité individuelle de chaque adulte, puis rappelle aussi la responsabilité de l’employeur·euse, et en dernier lieu seulement la responsabilité de l’État.

Contrairement à d’autres pays, en Suisse la formation des adultes/formation continue ne s’établit que peu à peu comme champ d’études des sciences de l’éducation ; de ce fait, il n’existe presque aucune recherche spécifique et continue en la matière, et la professionnalisation académique est encore peu développée. En parallèle à l’extension de l’offre au XXe siècle, des structures associatives autour de la formation continue se sont développées. En 1951, la création de la Fédération suisse pour la formation continue (FSEA) réunissant les fournisseur·euse·s de formation continue a été déterminante. L’association s’est engagée fortement pour la création de structures et la professionnalisation de la formation continue, et le fait encore à ce jour.

Bien qu’en comparaison internationale, la Suisse présente dans l’ensemble un taux de participation élevé à la formation continue, cette même participation révèle de nettes différences en fonction de l’origine, du niveau de formation, de la classe sociale et du sexe. L’idée qu’une personne qui, dans son enfance et au début de l’âge adulte, n’a pas obtenu les diplômes nécessaires puisse rattraper ce retard est illusoire, et ce, depuis les débuts de la formation continue structurée. Au contraire, la formation continue tend à accentuer les inégalités sociales, car le niveau de formation formel et la position dans la vie active sont des facteurs centraux pour la participation à une formation continue. Celle-ci est surtout motivée par des raisons professionnelles. En Suisse, les personnes qui ne disposent pas d’une formation post-obligatoire sont fortement désavantagées dans le cadre de la formation continue. En plus de cela, la participation à la formation continue des ressortissants étrangers ayant fréquenté l’école en Suisse est nettement inférieure à celle des Suisses ainsi qu’à celle des ressortissant·e·s étranger·ère·s n’ayant pas fréquenté l’école en Suisse. Comme la formation continue est souvent (co)financée par l’employeur·euse, des différences typiques pour le marché du travail apparaissent aussi dans ce domaine. Ainsi, les employeur·euse·s accordent une participation aux coûts de la formation continue nettement plus élevée pour les hommes que pour les femmes, qui assument souvent elles-mêmes les frais.

Dans l’ensemble, aujourd’hui en Suisse, la formation continue est moins considérée comme un domaine éducatif relevant de la responsabilité publique, que comme un marché. Pourtant, en parallèle avec les formations continues professionnelles et d’entreprise, il a toujours existé des offres de formation citoyenne et politique ainsi que des offres financées par l’État. Dans ce contexte, les politiques sociales ont un lien indirect avec la formation continue. On peut le voir surtout dans les questions relatives à l’encouragement des compétences de base dans le cadre de la lutte contre la pauvreté ainsi que dans l’engagement en faveur d’un accès moins sélectif à la formation continue.

Références

Dominicé, P. & Finger, M. (1990). L’éducation des adultes en Suisse. Zürich : Pro Helvetia.

Kraus, K. (2015). Ein Beitrag zur Geschichte der Erwachsenenbildung in der Schweiz. In K. Kraus & M. Weil (Hrsg.), Berufliche Bildung : historisch – aktuell – international (S. 76-83). Paderborn : Eusl-Verlagsgesellschaft.

Schläfli, A. & Sgier, I. (2015). Weiterbildung in der Schweiz : Länderportrait (3., vollst. überarb. Aufl.). Bielefeld : Bertelsmann.

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