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Droit du travail

Sara Licci, Tanja Juelich

Version originale en allemand


Première édition: December 2020

Le droit du travail est un droit dynamique, influencé par l’évolution des valeurs sociales. Les premières réglementations sur le travail remontent à des temps reculés. Au Moyen-Âge déjà, il était d’usage de rémunérer la prestation de services ; les ouvrier·ère·s soumis·es à la corvée, par exemple, recevaient le manger. Avec le travail salarié sont apparus, au XIVe siècle, les premiers contrats de travail et d’apprentissage, pour les artisans notamment, qui réglaient les congés, les périodes de récolte, la nourriture, etc. Formalisés au fil du temps, ils devaient même, pour certains, être passés devant notaire. On accordait donc une grande importance aux contrats de travail à cette époque déjà. Leurs dispositions pouvaient aller très loin et bon nombre d’entre elles seraient de nos jours interdites au motif de la protection de la personnalité. Un exemple : la maisonnée était placée sous l’autorité du maître, doté du droit de punir. D’autres règles, en revanche, sont comparables aux actuels devoirs d’assistance et de loyauté exigés respectivement des employeur·euse·s et des employé·e·s.

Le droit du travail a profondément évolué sous l’influence de l’industrialisation et des conflits sociaux pour atteindre aujourd’hui un haut degré de complexité. Il règle les divers aspects du travail dépendant et accompli conformément à des directives dans le cadre d’une organisation du travail externe. Mentionnons l’obligation de travailler, les heures et le temps de travail supplémentaires, le travail à temps partiel, le travail sur appel et le chômage partiel, le salaire, les primes, le maintien du salaire, les empêchements de travailler, les devoirs d’assistance et de loyauté déjà mentionnés, le licenciement, les certificats de travail, les vacances et les congés. De plus, le droit du travail prescrit le principe de non-discrimination et en particulier l’égalité de traitement entre hommes et femmes. Actuellement encore, le droit du travail se caractérise par l’importance des relations contractuelles, le législateur intervenant par des mesures correctrices en cas de déséquilibre des forces. Les particularités du droit du travail suisse sont exposées ci-après.

De nos jours, les rapports de travail sont réglés par un contrat individuel de travail (CIT), une convention collective de travail (CCT) ou, plus rarement, par un contrat-type de travail (CTT). On distingue le droit individuel du travail et le droit collectif du travail. Le premier régit les rapports de travail entre un·e employé·e et son employeur·euse dans le cadre d’un CIT, le second porte sur les modalités négociées entre les associations d’employé·e·s et d’employeur·euse·s (c’est-à-dire les partenaires sociaux) et leurs conséquences pour les travailleur·euse·s individuel·le·s. La CCT fixe les résultats de ces négociations. Les rapports de travail des employé·e·s de l’État sont quant à eux en principe réglés par les dispositions de la législation sur le personnel.

Une CCT est le reflet d’un partenariat social réussi. L’enjeu est de créer de bonnes conditions de travail sans freiner l’innovation. La CCT contient des dispositions relatives à la conclusion, à la teneur et à la résiliation des rapports de travail et confère ainsi aux employé·e·s une sécurité qu’ils ou elles n’avaient pas auparavant. Fruit d’une négociation entre les partenaires sociaux, elle permet d’atteindre des objectifs favorables aux deux parties sans fragiliser la place économique suisse. Généralement, une CCT n’est valable que pour les employeur·euse·s membres d’une association professionnelle partenaire de la convention. Le Conseil fédéral ou un gouvernement cantonal peuvent toutefois, dans certains cas, lui conférer force obligatoire, de sorte que sa validité est étendue à toutes et tous les employé·e·s d’une profession ou d’une branche économique.

Lorsque l’on constate, dans une branche ou une profession pour laquelle il n’existe pas de CCT pouvant être déclarée de force obligatoire, une sous-enchère abusive et répétée par rapport aux salaires locaux usuels, une commission tripartite (composée de représentant·e·s de l’État, des employé·e·s et des employeur·euse·s) peut demander à l’autorité compétente d’édicter un contrat-type de travail de durée limitée et fixant des salaires minimaux contraignants.

Les conditions de licenciement sont un élément crucial du droit du travail. En Suisse, la réglementation en la matière est relativement libérale. Le principe de la liberté de résiliation prévaut dans les contrats de travail à durée indéterminée. La résiliation ne doit être justifiée que lorsqu’une des parties le demande. En outre, elle ne nécessite pas de forme spécifique : elle peut être communiquée par oral, à moins que les parties n’en aient convenu autrement. Une résiliation prononcée durant un délai de protection, par exemple pendant un congé maladie ou pendant la grossesse, est nulle. Dans certains cas, la résiliation hors d’une période de protection peut aussi être abusive. Une résiliation abusive est exécutoire, mais peut donner lieu à des indemnités. Des dispositions spéciales s’appliquent aux licenciements collectifs.

De nos jours, la notion de droit du travail va plus loin que la seule protection des travailleur·euse·s. Le droit du travail vise aussi à promouvoir le dialogue au sein de l’entreprise, partant, à contribuer à une bonne collaboration. Les employé·e·s disposent d’un droit de participation qui implique le droit d’être informé·e·s et entendu·e·s – soit directement soit par l’intermédiaire de leurs représentant·e·s. Conformément à la loi, les employé·e·s doivent être informé·e·s au moins une fois par année sur les conséquences de la marche des affaires sur l’emploi ainsi que sur toutes les affaires dont la connaissance leur est nécessaire pour s’acquitter de leurs tâches. De plus, des droits de participation et des droits à l’information particuliers leur sont conférés dans les domaines de la sécurité au travail et de la protection des travailleur·euse·s. Ces droits s’appliquent également en cas de restructuration de l’entreprise.

Le droit du travail ne peut plus se concevoir sur un plan national uniquement, influencé qu’il est par des accords internationaux. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur en 2002 de l’accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne (ALCP), les citoyen·ne·s suisses et les ressortissant·e·s de l’UE ont le droit de choisir librement leur lieu de travail sur l’ensemble du territoire des États parties.

Des mesures d’accompagnement ont été introduites en juin 2004 pour atténuer les effets négatifs de cet accord. Elles prévoient que les travailleur·euse·s détaché·e·s en Suisse soient soumis·es aux mêmes conditions de travail que les employé·e·s résidant dans le pays. Cela signifie que les dispositions relatives au salaire minimum, à la durée du repos, aux vacances, à la sécurité au travail, à la protection de la santé, à la protection durant la grossesse et durant la période suivant l’accouchement ainsi qu’à la protection des enfants et des jeunes doivent être appliquées. Tel n’a pas toujours été le cas par le passé, notamment parce que des entreprises générales qui confiaient des travaux à des sous-traitants ne vérifiaient pas l’application de ces dispositions. Désormais, à moins d’apporter une preuve à décharge, les entreprises générales répondent sur le plan civil des manquements d’un sous-traitant en matière de respect des conditions de travail convenues. Les CCT (de force contraignante générale) et les contrats-types de travail sont également des instruments efficaces de lutte contre le dumping salarial et social pouvant être mis en œuvre dans le cadre de l’ALCP. L’initiative populaire contre l’immigration de masse adoptée en février 2014 a conduit, entre autres, à la mise en œuvre de la « préférence des travailleur·euse·s en Suisse, version allégée » en juillet 2018. Celle-ci oblige les entreprises de certains secteurs d’annoncer les postes à pourvoir aux ORP avant de les annoncer publiquement.

Le droit du travail est appelé à s’adapter constamment à l’évolution des besoins de la société. Le législateur doit ainsi tenir compte des mutations du contexte sociopolitique et régler les problématiques qui en résultent. Par exemple celles de la protection insuffisante des lanceurs d’alertes contre le licenciement ou de l’application des salaires minimaux. Les développements observés au plan international doivent par ailleurs être pris en compte dans la législation. L’influence de la politique sociale sur cette dernière est d’ores et déjà perceptible.

Références

Licci, S. (2015). Codes of Conduct im Arbeitsverhältnis mit besonderem Blick auf das Whistleblowing. Aktuelle Juristische Praxis, 1168-1184.

Portmann, W. & Stöckli, J. F. (2013). Schweizerisches Arbeitsrecht (3., vollst. überarb. Aufl.). Zürich : Dike.

Streiff, U., von Kaenel, A. & Rudolph, R. (2012). Arbeitsvertrag. Praxiskommentar zu Art. 319-362 OR (7., vollst. überarb. und stark erw. Aufl.). Zürich : Schulthess.

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