Diversité
Version originale en allemand
Les origines du concept remontent au mouvement afro-américain pour les droits civiques et au mouvement féministe en Amérique du Nord entre 1950 et 1970. C’était la première fois que des militant·e·s des droits civiques et des organisations de femmes s’opposaient aux formes racistes et sexistes de discrimination dans la société et sur le marché du travail et appelaient à l’égalité des droits politiques pour tous les citoyens et toutes les citoyennes des États-Unis. La loi sur les droits civils (Civil Rights Act) de 1964 ainsi que les programmes Affirmative Action (AA) et Equal Employment Opportunity (EEO) ont constitué le socle d’une première obligation légale d’antidiscrimination sur le marché du travail nord-américain. Dans les années 1980, les pionniers de l’approche de la diversité, notamment Taylor H. Cox et R. Thomas Roosevelt Jr., opposèrent aux programmes d’antidiscrimination axés sur l’équité et la justice l’affirmation provocatrice selon laquelle il ne s’agissait là que d’« interventions artificielles », dont le succès était voué à disparaître tôt ou tard. Leurs idées relatives à une « gestion de la diversité », développées dans les écoles de gestion du Michigan et de Harvard et dans le cadre du conseil aux entreprises, se fondaient sur un changement fondamental de perspective. Celui-ci mettait en évidence le fait qu’une approche sensible et critique de la diversité des personnes eu égard aux transformations sociales, démographiques et économiques était non seulement indispensable sur le plan social, mais aussi qu’elle recelait un grand potentiel et présentait d’immenses avantages pour les entreprises. La « perspective entrepreneuriale », qui est depuis lors fortement liée à l’approche de la diversité, conçoit l’hétérogénéité de la société et du personnel des entreprises comme une ressource. De ce point de vue, un environnement de travail non discriminatoire augmente non seulement la satisfaction et la performance des employé·e·s, mais il a aussi des effets positifs sur la qualité du travail et la productivité, la capacité de résolution des problèmes et d’innovation, ainsi que sur l’accès au marché des entreprises.
Le concept de diversité, utilisé depuis les années 1990 pour de nombreuses questions pratiques relatives à la gestion et à l’organisation du travail, est aujourd’hui souvent discuté dans le contexte des problématiques liées à l’égalité des sexes ou à la politique sociale. Il met en évidence, au niveau sociétal, des structures complexes de discrimination et les risques sociaux qui en découlent, par exemple en ce qui concerne les possibilités de formation, l’accès au marché du travail ou la sécurité sociale des personnes âgées. Étant donné que le concept de diversité permet de traiter les questions sociales d’une manière beaucoup plus différenciée qu’auparavant en considérant certains groupes cibles (p. ex. les travailleur·euse·s atypiques, les parents élevant seuls leurs enfants) ou les formes cumulatives de discrimination (p. ex. les femmes peu qualifiées issues de la migration), il se révèle très pertinent dans le domaine de la politique sociale. Les aspects sociopolitiques du concept de diversité apparaissent également en l’articulant au concept d’inclusion. Ce dernier fait référence, au sens normatif, à la tâche d’intégration sociale de l’État dans une société de plus en plus diversifiée. Et lorsqu’on se penche sur la sphère politique, on s’aperçoit que les réformes et stratégies de politique sociale ne peuvent répondre à la variété des conditions et des situations de vie individuelles que si elles sont abordées conjointement avec d’autres domaines politiques, tels que la politique de formation, de l’emploi ou de la migration.
L’interdiction de toute discrimination du fait de l’âge, du sexe, de l’origine ethnique, du handicap, de la race, de la religion et de l’orientation sexuelle, formulée dans le traité d’Amsterdam en 1997, constitue un socle juridique pour la diversité au sein des entreprises. Depuis le début du XXIe siècle, les violations du principe d’égalité de traitement dans et en dehors du monde du travail sont sanctionnées par diverses directives et lois européennes sur l’égalité de traitement. Par ailleurs, depuis 2004, de nombreux pays européens ont signé une Charte de la diversité, s’engageant par là à prendre des mesures de lutte contre la discrimination et pour l’égalité en tenant compte de facteurs de diversité très variés.
Le 1er janvier 2000, la Suisse a introduit pour la première fois l’interdiction de la discrimination dans sa Constitution de manière explicite avec l’article 8, alinéa 1. Cette interdiction précise que nul ne doit subir de discrimination du fait de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique. Cependant, la notion ou le concept sociopolitique de diversité ne se généralise que lentement au sein de la Confédération, et ce malgré le fait que sa population se distingue, notamment en vertu de ses quatre communautés linguistiques officielles, par une grande diversité culturelle et le pluralisme de ses valeurs. De plus, en comparaison européenne, la population résidente et active inclut une proportion très élevée d’immigrant·e·s. Ce sont principalement les analyses et les débats axés sur l’égalité des sexes et la politique d’intégration qui entraînent aujourd’hui une réflexion sur les discriminations dues à l’hétérogénéité socioculturelle en Suisse. En particulier pour la population migrante, la question se pose de savoir comment créer un cadre institutionnel qui lui garantisse les mêmes chances en termes de participation (Teilhabe) sociale.
Aujourd’hui, la notion de diversité est considérée comme insuffisamment prise en compte dans ses dimensions et sa portée sociopolitiques. L’interprétation dominante du concept dans l’espace européen, qui se détourne des inégalités socioculturelles de répartition des ressources et des chances pour ne souligner que les avantages de la diversité pour les entreprises, doit notamment être considérée d’un œil critique. Les discours et mesures relatifs à la diversité qui dominent dans le contexte économique visent avant tout l’intégration de travailleur·euse·s hautement qualifié·e·s ; ils n’améliorent guère la situation des femmes peu qualifiées issues de la migration. En Suisse tout spécialement, des études récentes mettent en évidence les discriminations particulières sur le marché du travail et dans le système de sécurité sociale auxquelles sont confrontées les femmes avec des obligations de care, issues de la migration et qui occupent des emplois précaires. De plus, des recherches récentes révèlent les conséquences négatives d’une politique sociale qui, en termes de sécurité sociale et de qualité de vie des personnes âgées, prend encore et toujours comme référence un emploi stable à temps plein tout au long de la vie, ignorant ainsi la situation de nombreuses femmes ou de jeunes travailleur·euse·s. D’un point de vue sociopolitique en particulier, il est nécessaire de renouer avec les origines politico-normatives du concept qui aborde prioritairement l’inégalité sociale et les risques sociaux qui lui sont associés.
Références
Liebig, B., Gottschall, K. & Sauer, B. (Eds.) (2016). Gender equality in context : policies and practices in Switzerland. Opladen : Barbara Budrich.Riedmüller, B. & Vinz, D. (2009). Diversity als Herausforderung für die Sozialpolitik. In S. Andresen, M. Koreuber & D. Lüdke (Hrsg.), Gender und Diversity : Albtraum oder Traumpaar ? Interdisziplinärer Dialog zur „Modernisierung“ von Geschlechter- und Gleichstellungspolitik (S. 65-78). Wiesbaden : VS.
Vertovec, S. (Ed.) (2015). Routledge international handbook of diversity studies. Abingdon : Routledge.