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Activité professionnelle personnes en situation handicapées

Susanne Aeschbach, Annina Studer

Version originale en allemand


Première édition: December 2020

L’activité professionnelle désigne un travail productif effectué contre rémunération. Elle permet non seulement d’assurer sa subsistance, mais aussi de s’affirmer et de faire l’expérience de ses compétences. Gage de normalité et d’appartenance, elle joue un rôle important dans la formation de la personnalité. L’activité professionnelle est donc, de toute évidence, un facteur clé d’intégration sociale et professionnelle, et cela pour toute personne, avec ou sans handicap. Les chances d’obtenir un emploi sont toutefois nettement moindres pour les personnes handicapées que pour les autres. Au sens de la loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (LHand, article 2), une personne handicapée est une personne dont la déficience corporelle, mentale ou psychique l’empêche d’exercer une activité professionnelle, ou la gêne dans l’accomplissement d’une telle activité. Un handicap peut ainsi avoir pour conséquence une capacité de gain réduite ou une incapacité de gain. En cas d’incapacité de gain réelle ou potentielle, les personnes handicapées ont droit à des prestations de l’assurance-invalidité (AI). Selon l’article 7 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, l’incapacité de gain est une perte – due à une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique – de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de la personne assurée dans son domaine d’activité sur un marché du travail équilibré, c’est-à-dire un marché équilibré en termes d’offre et de demande de main d’œuvre.

Les personnes handicapées allocataires d’une rente AI, qui ne peuvent pas remplir les exigences en termes de compétences et d’employabilité sur le marché de l’emploi ordinaire (premier marché) ou n’y trouvent pas de travail, peuvent trouver un emploi sur le marché complémentaire (second marché), dans des « ateliers ». Il s’agit d’entreprises organisées selon des critères économiques, mais qui se distinguent des entreprises du premier marché par le fait qu’elles donnent à des personnes handicapées la possibilité d’exercer un travail productif correspondant à leurs capacités, rémunéré à hauteur de leur productivité, et qui favorise leur intégration socioprofessionnelle. L’origine de ces ateliers remonte à l’entre-deux-guerres. Auparavant, au cours de l’industrialisation, les personnes handicapées étaient souvent exploitées comme main d’œuvre dans des institutions (p. ex. établissements pénitenciers) ou alors, a fortiori en cas de handicap cognitif ou psychique lourd, étaient considérées comme incapables de travailler et d’apprendre. En 1930, onze ateliers se réunirent pour former l’Union suisse des institutions pour handicapés (USIH). La loi fédérale sur l’assurance-invalidité de 1959 déclencha la création de nombreuses nouvelles institutions dans le marché du travail complémentaire, dont une grande majorité est rattachée à INSOS Suisse (l’ancienne USIH), la faîtière des institutions pour personnes handicapées. INSOS compte aujourd’hui près de 300 ateliers, qui réalisent un revenu annuel de quelque 300 millions de francs et couvrent environ 40 % de leurs coûts. Ces ateliers offrent plus de 23 000 places de travail (février 2017). En 2008, suite à la réforme de la péréquation et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, les cantons ont pris le relais de l’Office fédéral des assurances sociales et financent désormais ces institutions. La loi fédérale sur les institutions destinées à promouvoir l’intégration des personnes invalides en est la base légale.

L’insertion professionnelle des personnes handicapées dans le marché du travail ordinaire est devenue un objectif sociopolitique qui vise le développement de formes de travail plus intégrées. De nombreuses institutions du marché complémentaire offrent aujourd’hui des possibilités de places de travail externes intégrées dans une entreprise ordinaire. Depuis la 5e réforme de l’AI, « l’intégration avant la rente » est également l’idée force de cette assurance. Entre 2009 et 2014, ce nouveau concept s’est soldé par une diminution de 10 % du nombre de rentes AI. Cependant, selon les organisations d’entraide, ce recul s’explique plus par le durcissement des critères pour déterminer le degré d’invalidité que par le nombre de (ré)insertions réussies dans le marché du travail ordinaire.

Bien que la plupart des personnes handicapées travaillent, leur taux d’activité est inférieur d’environ 20 % d’après les chiffres de l’Office fédéral de la statistique. En outre, près d’une personne handicapée sur deux travaille à temps partiel, alors que le rapport est d’une personne sur trois pour les personnes non handicapées. Les personnes handicapées se heurtent souvent à des limitations et des obstacles (p. ex. taux d’occupation, type de travail, accessibilité du lieu de travail). Sans compter les stigmatisations et autres préjugés dont elles sont la cible, au travail et ailleurs.

En ratifiant la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, la Suisse s’est engagée à éliminer les facteurs de discrimination au travail et à assurer un marché du travail ouvert et accessible. Toutefois, le cadre légal actuel – la LHand, la loi fédérale sur l’assurance-invalidité et la loi fédérale sur les institutions destinées à promouvoir l’intégration des personnes invalides – s’avère insuffisant pour atteindre cet objectif. Parmi les points problématiques, mentionnons la protection contre les discriminations de la part des employeur·euse·s du secteur privé, ou la liberté de choisir, en particulier pour les personnes avec une déficience plus lourde, de travailler sur le marché complémentaire ou ordinaire. S’il est dans l’intérêt de l’AI qu’un maximum de personnes handicapées disposent d’un travail rémunéré – ce qui conduit à une diminution de la rente – l’accès au travail et l’intégration durable dans le marché du travail demeurent difficiles pour elles.

Le changement de paradigme dans le domaine de l’aide aux personnes handicapées a eu pour effet une focalisation sur le soutien à l’intégration, avec des modèles de quotas, des outils anti-discrimination (p. ex. diversity management, disability management), des modèles incitatifs ou d’emploi assisté (supported employment). Ce dernier modèle a prouvé son efficacité pour aider les personnes handicapées à trouver et à garder un emploi rémunéré sur le marché du travail ordinaire, mais il est difficile à financer et donc à mettre en œuvre en Suisse dans les conditions-cadre légales actuelles.

On note une contradiction entre la définition médicale du handicap et la notion de handicap telle qu’elle est comprise dans les milieux spécialisés. La première, ancrée dans la législation, est axée sur l’idée de déficit et se traduit par la prise de mesures d’intégration professionnelle des personnes handicapées au niveau de l’individu. La deuxième part de l’idée que le handicap n’est pas un déficit individuel, mais la résultante de conditions sociétales excluantes. En suivant cette logique, les mesures à prendre devraient l’être avant tout là où elles ont un impact sur les conditions sociétales. Il reste des efforts à faire du côté des employeur·euse·s ; ils doivent être non seulement informé·e·s et sensibilisé·e·s, mais aussi soutenu·e·s et conseillé·e·s concrètement, par exemple pour l’aménagement de places de travail adaptées, afin qu’une personne handicapée puisse faire valoir pleinement ses compétences. On pourrait également envisager d’élargir le champ d’application de la LHand aux conditions d’emploi du secteur privé, toujours dans le but de réduire la discrimination des personnes en situation de handicap.

Références

Egger, T., Stutz, H., Jäggi, J., Bannwart, L., Oesch, T., Naguib, T. & Pärli, K. (2015). Evaluation des Bundesgesetzes über die Beseitigung von Benachteiligungen von Menschen mit Behinderung – BehiG. Bern : Büro für arbeits- und sozialpolitische Studien BASS.

Office fédéral de la statistique (Éd.) (2012). Handicap et travail : restrictions et facilitateurs de l’activité professionnelle des personnes handicapées. Neuchâtel : Office fédéral de la statistique.

Organisation für Wirtschaftliche Zusammenarbeit und Entwicklung (Hrsg.) (2003). Behindertenpolitik zwischen Beschäftigung und Versorgung. Frankfurt a.M. : Campus.

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