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New Public Management

Matthias Meyer

Version originale en allemand


Première édition: December 2020

La notion de New Public Management fait référence, dans la littérature internationale, à différentes approches visant, depuis les années 1980, à réformer l’administration publique. Les gouvernements dirigés par Margaret Thatcher au Royaume-Uni et Ronald Reagan aux États-Unis ont ainsi réformé les administrations de leurs pays respectifs dans un esprit néoconservateur, ce que l’on a qualifié de New Public Management. En Europe et dans le reste du monde, c’était le « modèle de Tilburg » qui prévalait. Basé sur des réformes mises en œuvre à partir du milieu des années 1980 dans la ville néerlandaise de Tilburg, il consiste à confier l’exécution de tâches de l’État à des organisations autonomes et privées. Les activités d’une administration publique étant largement liées à des bases juridiques, il existe de nombreuses formes d’administrations publiques et, donc, tout autant de manières de les réformer. C’est la raison pour laquelle les réformes menées en Scandinavie sont différentes de celles appliquées aux administrations française, allemande ou britannique, bien qu’elles portent toutes le nom de New Public Management.

Bien souvent, les méthodes de New Public Management prévoient, à l’instar du modèle de Tilburg, l’externalisation et l’autonomie de certains domaines de l’administration (les pompiers, les hôpitaux ou les services de secours, les services d’approvisionnement et d’assainissement de l’eau, etc.) afin que ceux-ci puissent fonctionner en-dehors de toute influence politique et avec des budgets plus souples (en constituant des réserves, p. ex.). D’un point de vue international, un autre but fréquent consiste à réduire le nombre de postes de travail avec un statut de fonctionnaire public pour privilégier des statuts d’employé·e·s privé·e·s.

L’approche suisse du New Public Management est fréquemment appelée gestion administrative axée sur les résultats ou, en allemand, Wirkungsorientierte Verwaltungsführung (WoV). Depuis plus de 20 ans, la Confédération, les cantons et les grandes communes développent des projets qui (parfois sous d’autres dénominations) ont pour but de réformer la gestion ou les activités administratives. Contrairement aux approches adoptées dans de nombreux autres pays, les réformes qu’entraîne la WoV touchent aussi les organes législatifs (parlements).

La plupart des projets de réforme menés en Suisse ont trois objectifs principaux. Tout d’abord, passer d’une gestion déterminée par l’input à une culture du résultat. Auparavant, le mandant (le Parlement, le Conseil d’État pour les prestataires hors administration) gérait les moyens financiers disponibles (via un budget détaillé). Désormais, un budget global est fixé en partant des résultats visés. Dans un système de WoV, l’utilisation des moyens n’est plus jugée selon le type ou l’ampleur des mesures prises mais selon leur effet. Ensuite, il s’agit de distinguer clairement la responsabilité stratégique de la responsabilité opérationnelle. Les organes législatifs doivent développer des actions plus stratégiques et céder à d’autres entités la responsabilité des tâches de gestion. Ainsi, par exemple, un parlement se limiterait à exiger le respect de la protection des données, tandis qu’il reviendrait au gouvernement ou au conseil municipal de décider du nombre et du type de destructeurs de documents à acquérir. Enfin, un maximum de responsabilité est attribué aux organes opérationnels en matière de mise en œuvre. Les approches de gestion contemporaines délèguent un maximum de compétences aux organes chargés de la mise en œuvre opérationnelle. Dans le cadre de la WoV, cela se fait via un mandat de prestation et un budget global grâce auxquels les organes chargés de la mise en œuvre savent quels effets les mesures prises doivent produire pour la société. Ces organes reçoivent un montant forfaitaire pour y parvenir. Il leur revient ensuite de décider comment utiliser ces moyens financiers au mieux (p. ex. en engageant du personnel ou en faisant appel à un sous-traitant).

De nombreuses évaluations ont montré que les projets de WoV ne comportaient pas que des avantages, mais créaient aussi de nouveaux défis. Pour un parlement de milice, la gestion stratégique représente un défi majeur et la charge des parlementaires s’est plutôt alourdie avec la WoV. De plus, il est illusoire de penser que le Parlement puisse élaborer une stratégie partagée par tout le monde. La liberté entrepreneuriale de même que la responsabilité ne peuvent pas être déléguées simplement vers le bas dans l’administration. En effet, les représentant·e·s élu·e·s ne peuvent pas déléguer la responsabilité qui leur est confiée par le peuple. Par conséquent, de nombreuses décisions opérationnelles continuent d’être prises à un niveau de gestion trop élevé. L’évaluation probante des objectifs d’efficacité est extrêmement exigeante et donc coûteuse. Dans de nombreux cas, aucun instrument approprié n’a encore été trouvé pour définir et vérifier ces objectifs. Ainsi, généralement, une mesure de protection de l’enfant décidée par l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) ne produit son effet qu’après 10 ou 15 ans – évaluer s’il correspond à l’effet désiré est une entreprise délicate. De même, le succès de mesures de formation ne peuvent être démontrés qu’après des décennies. La charge administrative liée aux processus de planification et de reporting a augmenté de manière significative. L’introduction de la WoV exige beaucoup de ressources. Il n’a pas encore été possible de prouver que l’administration est plus efficace voire moins chère avec la WoV.

Dans l’action sociale et son éventail de services, cette nouvelle forme de gestion a un impact colossal. Dans ce secteur, le principal effet de la gestion administrative axée sur les résultats consiste en la focalisation sur l’impact des activités déployées. Les contrats de prestation axés sur l’efficacité sont utilisés par l’État dans l’idée d’employer l’argent des contribuables de manière plus ciblée. Souvent, ce changement de système est lié à un plan d’austérité concomitant, de sorte que la gestion administrative axée sur les résultats devient un instrument d’économie (et non pas, comme prévu à l’origine, de majoration de l’efficacité). Dans de nombreux cas, il est nécessaire de réorgansier entièrement la comptabilité : pour être en mesure d’informer sur les montants dépensés pour un effet donné, les données financières de chaque activité et domaine doivent pouvoir être fournies. Outre l’introduction de la comptabilité analytique, il est souvent nécessaire de passer au plan comptable selon la norme « SWISS GAAP RPC 21 ». Dans l’action sociale plus particulièrement, l’obtention d’un effet s’inscrit dans une perspective à long terme. Il est donc particulièrement difficile et souvent très coûteux de documenter l’atteinte d’un effet désiré. Une évaluation d’impact sérieuse sera facilement plus coûteuse que les prestations sociales fournies. En outre, l’accent mis sur les résultats peut conduire au développement d’offres pour des « cas faciles ». De telles offres permettent de bons résultats à moindre effort et faciles à documenter. In fine et à l’extrême, les situations plus complexes (qui ont davantage besoin de l’aide de l’État) ne trouveront plus d’aide. Enfin, divers auteur·e·s du travail social doutent que le concept New Public Management convienne au domaine social ou vont jusqu’à le déclarer inopérant.

En résumé, on peut dire que le New Public Management – ou la gestion administrative orientée sur les résultats en version suisse – entraîne sans doute une plus grande complexité pour les parties concernées. Dans le même temps, il favorise une réflexion sur les effets visés et les résultats obtenus, ce qui augmente la professionnalité. Toutefois, réduire le financement tout en introduisant une WoV n’est pas constitutif de la WoV – il s’agit du résultat d’un plan d’austérité concomitant dans le secteur public.

Références

Giauque, D. & Emery, Y. (2008). Repenser la gestion publique : bilan et perspectives en Suisse. Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes.

Heimgartner, M. & Dietrich, A. (2008). Wirkungsorientierte Verwaltungsführung in den Schweizer Kantonen. Bern : Eidgenössisches Finanzdepartement.

Schedler, K. & Proeller, I. (2011). New Public Management (5., korr. Aufl.) Bern : Haupt.

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