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Organisation sans but lucratif

Albert Schnyder

Version originale en allemand


Première édition: December 2020

Les non-profit organisations (NPO) ou organismes sans but lucratif (OSBL) dans le domaine social sont des organisations de la société civile, et donc privées, qui ne poursuivent pas de but lucratif. Elles complètent les moyens de subsistance individuels du système de sécurité sociale suisse, soit les prestations des assurances sociales publiques. Il s’agit d’organisations caritatives ou faîtières ou de groupes d’entraide. Leurs statuts juridiques sont principalement ceux de l’association ou de la fondation. Le spectre s’étend des nombreuses petites entités hautement spécialisées à un nombre relativement restreint de grands organismes dont certains opèrent au niveau international. Leur offre de services comprend, d’une part, des prestations de soutien, de conseils, de formations initiales et continues ainsi que des tâches de coordination et, d’autre part, des prestations matérielles et financières. Un certain nombre d’OSBL du domaine social entretiennent des relations d’échange avec l’État ; elles remplissant des tâches spécifiques pour lesquelles elles sont rémunérées, le plus souvent sous forme de mandat de prestation. De plus, elles se financent par des dons et des revenus propres.

Si les OSBL dans le domaine social fournissent des services (objectif de résultat), leur mandat inclut également la représentation au niveau politique des intérêts de leurs groupes cibles ainsi que les relations publiques (objectif d’influence). De plus, de nombreuses OSBL dans le domaine social permettent un engagement valorisé de bénévoles et de proches dans leur domaine.

Historiquement, les OSBL dans le domaine social sont adossées, en Suisse, au rôle majeur des communes, détenu depuis des siècles, et des églises, dans la lutte contre la pauvreté. Si depuis le XIXe siècle une tradition coopérative solide ainsi qu’une vie associative très développée jouent un rôle important dans les décisions et changements politiques, ces deux éléments favorisent également les OSBL. En Suisse, en comparaison européenne, ce n’est que tardivement que la question sociale a été débattue politiquement et a débouché sur des réponses d’État social. Plus d’un dispositif public fut alors fondé sur l’expérience d’institutions privées antérieures qui, en tant qu’OSBL, servaient de pionnières et de modèles.

L’Office fédéral de la statistique estime le nombre d’OSBL dans le domaine de la protection sociale à environ 1 400, avec une dépense totale de 2,9 milliards de francs (2010), sans compter l’apport non négligeable de travail bénévol dont le volume ne peut que faire l’objet d’estimations. 57 % des dépenses encourues par ces OSBL concernent leurs prestations directes, tandis que les autres dépenses concernent l’organisation et la gestion des activités. Dans ces OSBL, environ 36 000 personnes occupent quelque 24 000 postes à plein temps. Le nombre de bénévoles est estimé à 160 000. En ce sens, les OSBL dans le domaine de la protection sociale représentent un facteur économique significatif et croissant.

Toujours selon l’Office fédéral de la statistique, en 2010, les prestations des OSBL dans le domaine de la protection sociale s’effectuent principalement dans les deux domaines de l’invalidité (25 %) et de la maladie/soins de santé (21 %). Suivent les domaines de l’exclusion sociale (17 %) et de la vieillesse (15 %), alors que les domaines famille/enfants, logement, chômage et survivants représentent des parts respectives de 10 % ou moins pour un total de 22 %.

La plus grande part des prestations consiste en des prestations en nature : des conseils, des traitements, du transports etc. (70 %) ou des biens (19 %). Seulement 11 % des prestations sont des prestations en espèces. 55 % des prestations sont fournies sous condition de ressource, une part bien plus importante que les prestations de l’État, ceci pour des raisons systémiques. En 2010, ces OSBL ont versé des prestations en espèces à environ 180 000 ménages ou à 290 000 personnes, alors que les prestations en nature concernaient environ 1,1 million de ménages.

Les OSBL suisses dans le domaine de la protection sociale sont financées à 58 % par des dons, des cotisations de membres et des revenus propres, alors que 42 % le sont par des financements publics sous forme d’apports et de compensations de prestations de la Confédération, des cantons et des communes. En 2010, le total des Comptes de la sécurité sociale s’est élevé à 153 milliards de francs. La part des OSBL du domaine en représentait 0,8 %. Si l’on fait abstraction des grandes assurances sociales, on obtient une part des OSBL d’environ un tiers de l’ensemble des prestations sous condition de ressource (2010 : 2 milliards), sans compter le travail des bénévoles.

Une particularité suisse est la fonction complémentaire précitée des OSBL du domaine social. Elle contraste avec la situation à l’étranger, par exemple en Allemagne, où une grande partie des tâches et des prestations sociales est déléguée à des organisations caritatives. Dans d’autres pays, par exemple en Europe du Sud ou de l’Est, les prestations étatiques sont insuffisantes et les OSBL sont actives à titre compensatoire. Le fédéralisme et le principe de subsidiarité sont en outre propres à la Suisse ; selon ces logiques, la responsabilité sociale incombe d’abord à l’individu et à sa famille. Le contexte social (connaissances, voisinage, associations et, en partie aussi, organisations d’entraide), suivi par les niveaux étatiques : communes, cantons, Confédération. Le fédéralisme suisse contribue sans doute à la grande diversité des OSBL du domaine social. D’un côté, il garantit une proximité sociale et un haut niveau d’acceptation, mais, de l’autre, il fait obstacle à la comparaison et à la coopération, ceci d’autant plus que la perception des questions de politique sociale varie considérablement d’une région du pays à l’autre.

L’un des défis pour de nombreuses OSBL du domaine social consiste dans le fait qu’une part substantielle de leur financement provient de contributions publiques ou de compensations pour des mandats de prestations. Ces OSBL courent donc le risque d’être impliquées dans les planifications et les objectifs de l’État de manière plus étroite que souhaité. Elles perdent ainsi leur orientation stratégique et leur marge de manœuvre tant dans le travail opérationnel que dans les relations publiques. En outre, un financement public massif peut représenter un risque économique.

Par ailleurs, la reconnaissance et l’importance des OSBL du domaine social ne sont plus aussi incontestées que dans leur phase prospère entre 1980 et 2000. Selon certain·e·s chercheur·e·s, l’efficience et l’efficacité les OSBL en tant que service providers seraient globalement limitées et leur rôle consisterait davantage à asseoir leur situation de pionnière et à influencer les débats politiques. Cette logique appelle à une implication accrue d’entreprises privées dans ces « domaines d’activité ». De fait, des entreprises privées sont déjà présentes dans le domaine social, qu’il s’agisse de la gestion de l’aide sociale communale, de l’accueil de demandeurs d’asile ou de la prise en charge de personnes âgées dépendantes. De même, de nombreux bailleurs de fonds, notamment l’État, introduisent des éléments d’économie de marché dans l’exécution des tâches sociales : ils lancent des appels d’offres, définissent des exigences en matière de gestion et de comptabilité et fixent des normes pour les prestations de soins. Ces logiques peuvent aboutir au fait que les OSBL n’offrent plus que des prestations dites rentables et assurées financièrement, tandis que – d’un autre point de vue – leur tâche consisterait à fournir aide et soutien précisément dans les domaines où l’État et l’économie privée n’offrent rien et où l’aide individuelle ou familiale atteint ses limites.

Les institutions sociales suisses ont toujours fait l’objet de débats publics auxquels les OSBL ont participé intensément. Au début du XXIe siècle, il apparaît que les grandes assurances sociales, créées dans les années d’après-guerre sur fond de foi en l’avenir, sont désormais sous pression en raison de l’évolution démographique, d’une part, et de l’évolution du climat économique, d’autre part. Les effets de ce nouveau contexte sur les organisations privées actives dans le domaine social et de la lutte contre la pauvreté n’apparaissent pas encore clairement.

Références

Anheier, H. K. (2014). Nonprofit organizations : theory, management, policy (2nd ed.). Abingdon : Routledge.

Gysin, B. & Adamoli, M. (2013). Les organisations sans but lucratif dans le domaine de la protection sociale : situation et développement entre 1990 et 2010 dans le cadre des comptes globaux de la protection sociale. Neuchâtel : Office fédéral de la statistique.

Helmig, B., Lichtsteiner, H. & Gmür, M. (Hrsg.) (2010). Der Dritte Sektor der Schweiz : Länderstudie zum Johns Hopkins Comparative Nonprofit Sector Project (CNP). Bern : Haupt.

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