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Sécurité sociale (financement)

Kilian Künzi

Version originale en allemand


Première édition: December 2020

Les instruments de la sécurité sociale en Suisse ont pour objectif constitutionnel de protéger l’individu contre les effets économiques des risques sociaux que sont l’âge, l’invalidité, la maladie, l’accident, le chômage, la maternité, la condition d’orphelin et le veuvage. En 2014, le total des dépenses afférentes à la protection sociale, y inclus les prestations cantonales sous conditions de ressources, s’est élevé à 157 milliards de francs, soit l’équivalent de 25 % environ du PIB. Comme dans d’autres pays développés, la prévoyance vieillesse et santé absorbe la majeure partie de ces moyens.

Premier pilier de la prévoyance vieillesse, l’assurance-vieillesse et survivants (AVS ; 26 % du total des dépenses pour la sécurité sociale) a une forte composante d’équilibre social car elle couvre toute la population, y inclus les personnes sans activité lucrative. L’AVS fonctionne selon le système de la répartition : les cotisations perçues pendant une période servent à payer les rentes pendant la même période. Les prestations AVS sont financées pour trois quarts par les cotisations salariales et pour un quart par des contributions des pouvoirs publics. Les rentes AVS ne couvrant pas les besoins vitaux, elles sont complétées par des prestations complémentaires (PCAVS). Les PC sont financées exclusivement avec les recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes. Environ 58 % des PC sont versées en complément à des rentes AVS et 42 % en complément à des rentes de l’assurance-invalidité (AI). Les PC représentent une petite branche de la sécurité sociale (3 % du total des dépenses).

La prévoyance professionnelle (PP ; 33 % du total des dépenses) est le deuxième pilier de la prévoyance vieillesse. Elle fonctionne selon le système de la capitalisation. La PP est financée par des cotisations salariales et par les rendements des placements de capitaux, qui sont portés au crédit des assurés individuels. La PP est gérée par des assureurs privés qui doivent respecter des règles définies dans la loi (taux d’intérêt minimal, taux de conversion du capital). À la différence du 1er pilier, le 2e pilier est cofinancé indirectement seulement par les pouvoirs publics, par exemple moyennant des déductions fiscales accordées sur des contributions volontaires à la PP (comme aussi, d’ailleurs, à la PP privée ou pilier 3a).

L’assurance obligatoire des soins (AMal), elle aussi gérée par des assureurs privée, absorbe 17 % du total des dépenses pour la sécurité sociale. Elle est financée principalement par les primes des assuré·e·s, qui sont indépendantes du revenu (prime par tête). Pour des motifs de justice sociale, les assureurs n’ont pas le droit de faire de grandes différences de primes selon les caractéristiques personnelles des assuré·e·s. Il est difficile de déterminer les parts des différents acteur·trice·s au financement de l’AMal. Les pouvoirs publics accordent des réductions de primes aux assuré·e·s à bas revenu et financent directement certains prestataires, plus spécialement dans le domaine hospitalier. D’autres assurances, notamment des assurances complémentaires privées, l’assurance-accidents (AA), l’AI, les PC à l’AVS (pour les soins de longue durée) et l’assurance-militaire (AM), prennent également en charge des prestations de santé. En outre, les prestations dans le domaine des soins de longue durée ne sont pas toutes couvertes. L’AMal est financée selon le système de la répartition, ce qui explique que les recettes et les dépenses se développent grosso modo en parallèle.

Hormis les assurances susmentionnées, il existe des assurances-risques qui couvrent des pertes de gains pour différents motifs (la PP contient également une part risque). L’assurance-invalidité (AI ; 6 % du total des dépenses) est, comme l’AVS, financée pour moitié par des cotisations salariales et pour moitié par des contributions de la Confédération. L’assurance-accidents (AA ; 4 % du total des dépenses), qui est centrée sur l’évitement de coûts sociaux ultérieurs, couvre aussi bien des traitements médicaux que la perte de gain. À la différence des primes AMal, les primes AA sont fixées en fonction de classes de risques. L’assurance-chômage (AC ; 4 % du total des dépenses) est financée en majeure partie par les cotisations salariales des assuré·e·s. Les cantons contribuent aux mesures de marché du travail, qui visent la réinsertion dans le marché de l’emploi. Les allocations pour pertes de gains (APG) couvrent une partie de la perte de gain en cas de service militaire, de service de protection civile et de service civil. Depuis 2005, l’APG finance également le congé maternité des femmes qui travaillent. Hormis la PP, l’APG est la seule assurance financée uniquement avec les cotisations des assuré·e·s et les revenus de placements (1 %). Financée avec les recettes fiscales générales de la Confédération, l’assurance militaire (AM), qui couvre les risques de santé des militaires, est de loin la plus petite branche de la sécurité sociale.

Pendant des années, les prestations destinées à compenser les charges de famille (frais d’entretien et de formation des enfants) étaient fort différentes, d’un canton à un autre, quant aux types d’allocations, aux montants versés et aux conditions d’octroi. Entrée en vigueur en 2009, la loi fédérale sur les allocations familiales (LAFam) définit des montants minimaux. Les AFam (4 % du total des dépenses) sont financées pour ainsi dire exclusivement par les contributions des employeur·euse·s et des indépendants. Des réglementations spéciales s’appliquent pour les AFam dans l’agriculture.

Dernier filet de la sécurité sociale, les prestations sociales sous conditions de ressources cantonales sont financées par les impôts généraux, principalement par les cantons et les communes. En 2014, les prestations nettes des différentes branches de l’aide sociale – aide sociale économique, aide sociale dans le domaine de l’asile/des réfugiés refinancée par la Confédération, avances sur pensions alimentaires, aide aux personnes âgées/aux soins, aide au logement, etc. – se sont élevées à 3 milliards de francs (2 % du total des dépenses).

L’évolution démographique est un des grands défis actuels pour le financement de la sécurité sociale. L’AVS, qui a clôturé dans le rouge en 2015, se bat avec le rapport toujours plus désavantageux entre le nombre de cotisant·e·s et le nombre de rentier·ière·s. Pour la PP (régime obligatoire depuis 1985), encore en développement, une baisse des taux de conversion et des taux d’intérêt minimaux est à prévoir en raison de l’augmentation de l’espérance de vie et du contexte des taux d’intérêt difficile sur le marché des capitaux. Dès le milieu des années 1990, l’AI a dû faire face à un déficit croissant. En recentrant ses efforts sur la détection précoce et la réintégration, elle a réussi à stabiliser le niveau des dépenses. Autre défi de taille : le financement socialement supportable de l’assurance-maladie. Cette branche connaît une croissance supérieure à la moyenne depuis des années (+ 4 % par année) et met les ménages privés en raison de la hauteur des primes à rude épreuve. Si les PC, avec 3 % du total des dépenses, ne représentent qu’une petite branche de la sécurité sociale, leur progression de près de 5 % par année pendant la dernière décennie, due notamment à des changements dans le financement des soins, ne manque pas d’inquiéter.

La part des dépenses sociales financée par l’impôt est faible en Suisse par rapport à des pays comme l’Allemagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas ou la Suède. Chez nous, les assurances financées par des cotisations salariales et des primes par tête (assurance-maladie uniquement) prédominent. Par ailleurs, la Suisse dépense relativement peu pour la protection sociale mesuré au PIB, soit 25 % comparé à 33 % en France. Ce plus faible pourcentage s’explique en partie par le fait que certaines assurances sociales – assurance perte de gain en cas de maladie, assurance des soins de longue durée, congé paternité et parental – n’existent pas en Suisse.

Références

Künzi, K. & Schärrer, M. (2004). Wer zahlt für die Soziale Sicherheit und wer profitiert davon : Eine Analyse der Sozialtransfers in der Schweiz. Zürich : Rüegger.

Office fédéral des assurances sociales (Éd.). Statistiques des assurances sociales suisses, données et publications les plus récentes. http://www.bsv.admin.ch

Office fédéral de la statistique (2015). Rapport social statistique suisse 2015. Neuchâtel : Office fédéral de la statistique.

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