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État social actif

Rahel Strohmeier Navarro Smith

Version originale en allemand


Première édition: December 2020

Hormis la couverture des besoins de base, l’État social actif a pour but d’encourager et de renforcer les ressources et capacités individuelles des personnes pauvres ou menacées de pauvreté. Lorsqu’un risque social ou une situation de détresse survient, il n’accorde pas seulement un soutien financier, mais fournit aussi des prestations immatérielles ou des offres et des mesures en faveur de l’intégration sociale. Au sens large, les mesures d’activation ne se limitent pas uniquement aux mesures (plus ou moins durables) d’intégration professionnelle, mais touchent d’autres dimensions centrales, souvent interdépendantes, liées à des situations de vie précaires, telles que la formation, les liens sociaux, la santé et le logement. Ainsi, les personnes touchées devraient pouvoir vivre à l’avenir dans l’indépendance le plus longtemps possible, sans avoir besoin de prestations d’assurances sociales ou sous condition de ressources. Dans les discours et la pratique de la politique sociale cependant, les actions de l’État social actif sont souvent réduites à l’encouragement de la capacité de gain (résiduelle) et de la (ré)insertion professionnelle des personnes touchées par la pauvreté. Selon leur conception et leur organisation, les mesures d’activation de l’État social se concentrent davantage sur les efforts des collectivités publiques ou sur la responsabilité individuelle, les droits ou les obligations des personnes concernées, leur autonomisation ou leur déresponsabilisation.

Le développement récent des États-providence a montré que les politiques sociales activantes ne prennent pas forme dans un seul type d’État-providence ou dans un groupe spécifique de pays. Elles représentent plutôt une sorte de leitmotiv dans le développement des sociétés d’abondance dans les pays post-industrialisés. Derrière la transformation de l’État-providence pur en un État social activant se dissimule l’idée fondamentale que l’action étatique est axée sur la mobilisation et le soutien du « potentiel d’auto-assistance », et qu’un lien direct peut être établi entre les mesures sociales de protection et les mesures de participation sociale. Introduit en partie par des réformes explicites, mais aussi engendré par des réajustements plus implicites des mesures de l’État social, le principe de la contre-prestation pour les prestations perçues est mis en place, voire renforcé. En Suisse, la situation sur le marché du travail se présente certes comme confortable en comparaison avec les pays voisins, mais une hausse des rapports de travail précaires et du chômage de longue durée se dessine depuis les années 1990 aussi dans ce pays. Malgré l’élargissement de la politique active du marché de travail, cette tendance n’a, à ce jour, pas été entièrement compensée ou contenue.

Suivant le principe « encourager et exiger », on attend des bénéficiaires des prestations une contribution active à la résolution de leur problème. Si l’aide n’est pas reçue dans un esprit de coopération, des sanctions peuvent être prises sous la forme de réduction des prestations, les conditions d’octroi des prestations pouvant également être réévaluées. Le droit inconditionnel à la couverture des besoins de base est ainsi restreint, car il est lié à une obligation de participation plus importante de la part des bénéficiaires de prestations. Dans différents sous-systèmes de la sécurité sociale et dans l’aide sociale, ceci engendre un renforcement du principe de subsidiarité et une orientation vers la performance au détriment du principe de finalité et de l’orientation liée aux besoins.

La politique de promotion directe d’un deuxième marché du travail a passé récemment à l’arrière-plan. Les fournisseur·e·s de prestations sont de plus en plus souvent tenu·e·s de proposer des offres plus efficaces en matière de participation professionnelle, et ce, dans des conditions nouvelles ressemblant à la concurrence sur des quasi-marchés créés par l’action publique, et sur lesquels l’État distribue des mandats de prestations de service sociale selon la procédure de l’appel d’offres. Les subventions publiques dépendent alors souvent de la demande effective pour le programme en question et de moins en moins d’un nombre de places convenu au préalable. Le rôle d’avocat des institutions fournissant des prestations, par exemple le lobbying sociopolitique en faveur des intérêts des bénéficiaires de prestations et des participant·e·s aux programmes, semble entravé dans ces conditions de dépendance financière.

L’histoire de la politique d’activation en Suisse a toujours été marquée par les différents intérêts politiques en présence. Selon la position défendue, les deux principes de base ancrés dans la Constitution fédérale de 1999, à savoir la responsabilité individuelle et sociale au sens de l’article 6 et le droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse au sens de l’article 12, ont été interprétés de différentes façons. Les interventions politiques pour restreindre ou réduire les prestations des assurances sociales et de l’aide sociale ne pouvaient réunir une majorité que si en contrepartie des mesures étaient prises en faveur de l’autodétermination, dans le but de faciliter in fine une réinsertion dans le monde du travail.

Dès le milieu des années 1990, le principe d’activation s’est imposé dans les systèmes de sécurité sociale. Au vu de la hausse du chômage de longue durée, l’assurance-chômage (AC) a été la première à introduire le 1er janvier 1997 des mesures du marché du travail (MMT) dans le cadre de la révision de la LACI. Certains cantons ont suivi avec leurs propres mesures d’activation professionnelle. Par la suite, l’aide sociale a, à son tour, lancé des « mesures favorisant l’intégration sociale et l’insertion professionnelle », mentionnées pour la première fois dans le cadre des normes de la CSIAS de 1998. À l’occasion de la révision partielle de 2005, celles-ci ont été assorties d’un modèle de suppléments ou d’« incitation » conforme au principe du bonus-malus. Il s’agit de récompenser financièrement les personnes bénéficiaires de l’aide sociale qui sont « motivées à travailler et à s’intégrer » ou de punir celles qui ne respectent pas ces conditions. Cela peut aller jusqu’à la suppression totale de l’aide sociale si la personne concernée ne peut pas prouver suffisamment qu’elle n’est pas en mesure de remédier elle-même à la situation de détresse dans laquelle elle se trouve. Lors de la dernière révision partielle de 2016, le concept d’activation est encore renforcé puisque le minimum vital de certains groupes cibles a à nouveau été réduit et le taux maximal de sanction a doublé de 15 % à 30 % du minimum vital. L’assurance-invalidité (AI) introduisait en 1959 déjà des « mesures individuelles de réadaptation ». Dans le cadre de la 5e révision de l’AI en 2008, des mesures de détection précoce et d’intégration ont été introduites selon le principe de « la réadaptation avant la rente ». En 2012, avec la 6e révision de l’AI, ce principe a été complété par de nouvelles mesures de réadaptation pour les personnes bénéficiaires d’une rente AI (« la réadaptation après la rente »).

Le sens et le but ainsi que l’effet des mesures d’activation de l’État social demeurent contestés et font l’objet de discussions controversées, tant dans le monde scientifique que dans le monde politique. À cause d’une conception réductrice de la notion d’activation et des exigences de légitimation, l’accent est toujours mis sur les mesures d’activation professionnelles. Les chances d’intégrer à un poste de travail sur le premier marché du travail après avoir suivi un programme d’activation varient entre 25 % et 50 % en fonction du niveau de qualification, de la branche et des conditions économiques régionales. Il existe souvent une contradiction entre les directives en matière de politique activation et les possibilités réelles des client·e·s de pouvoir mettre leurs capacités à l’épreuve sur le premier marché du travail. Les mesures d’activation réalisées sous la menace de réductions budgétaires n’exercent souvent pas un effet durable, mais peuvent même intensifier la pression subie par les personnes concernées et, partant, favoriser la précarité plutôt que l’autodétermination et l’indépendance. De plus, le concept de l’activation ne semble pas approprié pour repenser l’ensemble des domaines d’action de l’État social. Dans ce contexte, on peut renvoyer aux situations dans lesquelles les gens ont un besoin inconditionnel d’aide, d’assistance et de sécurité sociale ou dans lesquelles une capacité de gain résiduelle ne peut simplement pas être identifiée. Une nouvelle approche est de mise ici pour garantir l’équilibre social.

Références

Bonvin, J.-M. & Moachon, E. (2013). Droit au travail et responsabilité individuelle dans les États sociaux contemporains : une analyse en termes de capabilités des politiques d’activation des personnes sans emploi. Revue européenne des droits de l’homme/European Journal of Human Rights, 5, 777-803.

Scherschel, K., Streckeisen, P. & Krenn, M. (Hrsg.) (2012). Neue Prekarität : Die Folgen aktivierender Arbeitsmarktpolitik – europäische Länder im Vergleich. Frankfurt a.M. : Campus.

Wyer, B. (2014). Der standardisierte Arbeitslose : Langzeitarbeitslose Klienten in der aktivierenden Sozialpolitik. Konstanz : UVK Verlagsgesellschaft.

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