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Convention de l’ONU relative aux droits des personnes en situation de handicap

Caroline Hess-Klein

Version originale en allemand


Première édition: December 2020

La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes en situation de handicap (CDPH) est un traité de droit international adopté le 13 décembre 2006 par l’Assemblée générale de l’ONU. Son élaboration par un comité ad hoc créé en 2001 repose sur la reconnaissance de l’insuffisance de la protection des personnes en situation de handicap par les traités existants en matière de droits humains. Les droits humains civils, politiques, économiques, sociaux et culturels généraux devraient donc être concrétisés et précisés en fonction des besoins spécifiques des personnes en situation de handicap. La mesure dans laquelle la CDPH inclura, le cas échéant, aussi de nouveaux droits humains, fait l’objet de discussions dans la littérature juridique.

Après sa ratification par la Suisse en avril 2014, la CDPH est entrée en vigueur le 15 mai 2014, devenant ainsi partie intégrante du droit suisse. Son objet est de « promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes en situation de handicap et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque ». Les bases juridiques et les structures sociales qui désavantagent les personnes en situation de handicap devraient être systématiquement vaincues, afin qu’elles puissent participer à tous les domaines de la vie sociale sur un pied d’égalité et de manière autonome avec les non-handicapé·e·s.

L’objet de la CDPH est concrétisé par huit principes généraux qui assurent une continuité conceptuelle. Le premier de la liste est le principe d’autonomie, étroitement lié à celui du respect de la dignité humaine et incluant la liberté de faire ses propres choix. En outre, la participation tout comme l’intégration pleines et effectives à la société s’inscrivent comme des thèmes centraux.

Le terme d’« intégration » correspond au terme d’« inclusion » dans la version anglaise, qui est également un concept clé de la CDPH. D’autres principes de la CDPH concernent la garantie de la non-discrimination, de l’égalité des chances et de l’accessibilité, ainsi que du respect de la diversité. Enfin, la CDPH doit être lue à la lumière de l’égalité entre femmes et hommes, et du respect du développement des enfants en situation de handicap et de la préservation de leur identité.

En ce qui concerne la compréhension du handicap, un véritable changement de paradigme s’opère au sein de la CDPH : pour la première fois, un modèle de handicap fondé sur les droits humains est codifié, remplaçant ainsi le modèle médical, qui considère le handicap comme un phénomène individuel déficitaire et propage des mesures médico-thérapeutiques ou éducatives spéciales. Dans le texte du traité, cette nouvelle notion de handicap apparaît dans le préambule ainsi que dans l’article précité définissant les buts de la convention.

Avec la ratification de la CDPH, les États signataires s’engagent à faire rapport tous les quatre ans sur l’état de sa mise en œuvre. Sur la base notamment des rapports nationaux et des rapports parallèles de la société civile concernée, le Comité onusien des droits des personnes en situation de handicap, en tant qu’organe d’experts, adresse des recommandations à l’État signataire. Si celles-ci ne constituent pas une décision de justice juridiquement contraignante, elles se distinguent aussi clairement des déclarations diplomatiques non contraignantes. Faisant partie intégrante de la jurisprudence du Comité, elles contiennent en outre une première interprétation des droits individuels. Le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes en situation de handicap, qui peut être ratifié sur une base volontaire, prévoit une procédure de plainte individuelle et d’enquête spéciale en tant que mécanisme de surveillance supplémentaire.

L’importance de la CDPH pour la Suisse tient d’abord au fait qu’elle établit une distinction substantielle entre l’interdiction fondamentale de la discrimination et l’obligation correspondante d’adopter des mesures positives dans la Constitution fédérale. De plus, en sa qualité de traité de droit international fondé notamment sur les droits humains, la CDPH prime le droit national suisse. En conséquence, la Suisse est tenue de prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres mesures appropriées, favorisant la mise en œuvre de la CDPH, et de modifier ou d’abroger les lois, ordonnances, habitudes et pratiques qui sont contraires à la Convention. La protection et la promotion des droits des personnes en situation de handicap comme missions transversales de l’État s’appliquent également à tous les concepts et programmes politiques. La Confédération, les cantons et les communes étant assujettis aux obligations de la CDPH, ils ne peuvent donc se contenter de créer de nouvelles bases juridiques ou une politique en faveur des personnes en situation de handicap qui ne concerne que le droit des assurances sociales. Qui plus est, les personnes en situation de handicap et leurs organisations doivent être étroitement consultées et activement impliquées dans l’élaboration et la mise en œuvre de la législation et des politiques visant à concrétiser la CDPH.

En théorie comme en pratique, la Suisse est tenue, en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes en situation de handicap, de transposer immédiatement ses obligations d’abstention et de protection, ainsi que certains aspects de ses obligations de service concernant les droits économiques, sociaux et culturels des personnes en situation de handicap. Elle devra remplir progressivement l’intégralité des autres obligations de service, en utilisant pleinement les ressources disponibles. Par conséquent, au moins tous les droits de la CDPH dont découle une obligation directe – à l’exception des mandats de légiférer – doivent être considérés comme directement exécutoires devant les tribunaux suisses. Indépendamment de cela, toute base juridique existante doit être interprétée à la lumière de la CDPH.

N’ayant pas encore ratifié le Protocole facultatif, la Suisse n’a à répondre devant le Comité des droits des personnes en situation de handicap que dans le cadre de la procédure d’élaboration des rapports par les États. Elle a présenté son premier rapport en juin 2016. Celui-ci se concentre clairement sur les bases juridiques fédérales et, outre les dispositions cantonales, néglige notamment la question de savoir dans quelle mesure celles-ci ont effectivement un impact sur la mise en œuvre de la CDPH. En juin 2017, les organisations suisses représentant les personnes handicapées, membres de l’organisation faîtière Inclusion Handicap, ont soumis un rapport, incluant des critiques et des propositions d’action, sur l’état de la mise en œuvre de la CDPH au Comité des droits des personnes en situation de handicap. Inclusion Handicap a notamment critiqué l’absence d’une politique globale relative aux personnes en situation de handicap en Suisse et le manque de protection juridique de celles-ci contre la discrimination par des particuliers dans le cadre des relations de travail et de l’accès aux services. Sur cette base le Comité a formulé ses recommandations à la Suisse fin 2019. Il est à espérer qu’elles serviront de catalyseur pour la mise en oeuvre de la CDPH.

Références

Degener, T. & Diehl, E. (Hrsg.) (2015). Handbuch Behindertenrechtskonvention : Teilhabe als Menschenrecht – Inklusion als gesellschaftliche Aufgabe. Bonn : BpB Bundeszentrale für politische Bildung.

Hess-Klein, C. (2017). Le cadre conventionnel et constitutionnel du droit de l’égalité des personnes handicapées. Dans F. Bellanger & T. Tanquerel (Éd.), L’égalité des personnes handicapées : principes et concrétisation (pp. 9-100). Genève : Schulthess.

Schefer, M. & Hess-Klein, C. (2013). Droit de l’égalité des personnes handicapées. Berne : Stämpfli.

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