Fédéralisme
Version originale en allemand
Même si le fédéralisme va généralement de pair avec la décentralisation des tâches administratives, il n’est toutefois pas synonyme de décentralisation. Des pays comme la Suède ou le Danemark, par exemple, délèguent dans une large mesure un vaste éventail de tâches gouvernementales et la perception des impôts nécessaires pour les financer aux collectivités locales décentralisées, sans leur conférer de compétence réglementaire finale et donc de souveraineté étatique.
La Suisse peut être considérée comme le cas paradigmatique d’un État fédéraliste. Aucun autre pays n’a autant d’États membres par rapport à sa taille géographique. Les États membres de la Suisse, les cantons, jouissent de droits d’autodétermination très étendus. La souveraineté et la subsidiarité, les deux plus importants principes du fédéralisme, sont énoncés à l’article 3 de la Constitution fédérale : « Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Constitution fédérale et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération ». Les cantons sont libres de s’organiser en interne, en tenant compte de certains principes fondamentaux, tels que la démocratie, l’État de droit et l’autonomie communale. Ils ont leur propre constitution, leurs propres organes législatifs, exécutifs et judiciaires. Toutes les tâches qui ne sont pas dévolues à l’État fédéral relèvent automatiquement de la compétence des cantons. Même lorsque la Confédération est compétente en matière de réglementation, les cantons sont généralement responsables de l’exécution des activités étatiques.
Outre la démocratie directe, le fédéralisme est coresponsable de la formation tardive de l’État social suisse. Cela s’explique par le fait que l’État fédéral suisse n’a traditionnellement eu de pouvoirs législatifs en matière de politique sociale que lorsqu’il y était autorisé par des dispositions constitutionnelles. À cette fin, il a fallu à chaque fois tout d’abord formuler un mandat constitutionnel, soumis au référendum à la double majorité populaire et cantonale. La Constitution suisse ne peut être modifiée que si l’ensemble de l’électorat (majorité du peuple) et la majorité des cantons sont d’accord. La majorité des cantons peut ainsi empêcher un transfert des compétences en matière de politique sociale vers l’État fédéral. Cela s’est produit par exemple en 2013. À cette date, l’article sur la famille, qui aurait autorisé la Confédération à prendre des mesures pour concilier vie professionnelle et vie familiale, a été approuvé par la majorité de l’électorat suisse, dans une faible majorité des cantons néanmoins, la demande n’a pas été acceptée.
Le fédéralisme n’est pas seulement un frein au développement de l’État social, c’est aussi une source d’innovation. Le degré élevé d’autonomie permet aux cantons et aux plus grandes communes et villes de développer leurs propres solutions et innovations. En Suisse, différentes variantes peuvent être mises en œuvre en parallèle, différentes expériences peuvent être réalisées et échangées. Comme les attitudes de la population à l’égard des questions de politique sociale varient considérablement d’une région à l’autre, le fédéralisme permet dans certains cas de s’adapter aux systèmes de valeurs ou aux circonstances régionales. Parmi les innovations cantonales, citons par exemple le régime d’assurance-maternité du canton de Genève, qui a été mis en place avant qu’une solution ait pu être adoptée à la majorité au niveau national, ou encore les prestations complémentaires pour familles, pour lesquelles le canton du Tessin a mis en place un système pionnier.
Les cantons eux-mêmes sont également organisés de manière fédérale et leurs propres « États membres », les communes, peuvent prendre des décisions finales sur un certain nombre de tâches politiques. Ces tâches varient d’un canton à l’autre. Certains cantons ont une organisation interne plus centralisée que d’autres. Dans le domaine de l’aide sociale, par exemple, l’autonomie communale est très prononcée dans les grands cantons de Suisse orientale, tandis qu’en Suisse occidentale, les cantons exercent généralement un pilotage plus marqué et une intervention beaucoup plus forte. Dans certains cantons, dont Genève et Glaris, l’aide sociale est prise en charge par le canton.
Dans le système fédéraliste, la coordination et la coopération dans le domaine de la politique sociale sont complexes. Les cantons et les communes ont mis en place des organisations de coordination horizontales afin d’améliorer la coopération et de défendre de manière commune leurs intérêts auprès du niveau gouvernemental supérieur. Au niveau cantonal, l’organe le plus important en matière de politique sociale est la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS). La CDAS représente les préoccupations sociopolitiques des cantons vis-à-vis de la Confédération et du grand public et assume diverses missions communes et de coordination. Les associations assument également d’importantes fonctions de coordination dans l’État social fédéraliste suisse. Au niveau national, il y a l’Initiative des villes pour la politique sociale, à laquelle participent des communes urbaines de toute la Suisse, ainsi que la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS), l’association professionnelle nationale d’aide sociale.
En plus de l’organisation horizontale, la coordination verticale entre les différents niveaux est également un défi. Avec la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT) en 2008, il a été possible de démêler en partie la répartition jusqu’alors peu claire des différentes missions communes. Même si cela a permis d’améliorer la situation, la coordination et la coopération au sein de l’État social fédéraliste restent des questions centrales dans le débat sur la politique sociale. Un reproche fréquent concerne le transfert des coûts d’un niveau gouvernemental à un autre. Par exemple, il est supposé que le durcissement des conditions d’octroi des rentes AI ou des prestations d’assurance-chômage par la Confédération entraînera des frais supplémentaires pour les communes et les cantons. Une autre question qui a été débattue à plusieurs reprises et à différents niveaux concerne la péréquation des charges sociales. Au niveau fédéral, depuis l’entrée en vigueur du nouveau système de péréquation financière, il existe un système de compensation des charges sociales, qui s’appuie sur les contributions de la Confédération mais aussi sur un système de redistribution entre les cantons. Cette tâche est traitée de manière très différente à l’intérieur de chaque canton. Dans certains cantons, il existe des systèmes très étendus pour équilibrer les charges sociales entre les communes, alors que dans d’autres, ce n’est pas le cas. Les deux variantes conduisent régulièrement à des interventions politiques dans les cantons.
Références
Armingeon, K., Bertozzi, F. & Bonoli, G. (2004). Swiss worlds of welfare. West European Politics, 27(1), 20-44.Bonoli, G. & Champion, C. (2015). Federalism and welfare to work in Switzerland : the development of active social policies in a fragmented welfare state. Publius : The Journal of Federalism, 45(1), 77-98.
Vatter, A. (2016). Das politische System der Schweiz (Kapitel zu Föderalismus). Baden Baden : Nomos.