Soins de santé aux personnes âgées
Version originale en allemand
L’adoption de cette approche repose sur une nouvelle compréhension de la santé des personnes âgées. Notons que notre biologie est limitée, et que la vieillesse est fondamentalement liée à l’apparition de maladies chroniques. Si leur apparition ne peut être évitée, il est néanmoins possible de retarder les maladies liées à l’âge, et donc de maintenir plus longtemps la qualité de vie, la mobilité et l’autonomie, en promouvant la santé par une approche préventive. Cette approche de santé publique est également appelée « allongement de l’espérance de vie en bonne santé » ou, comme l’a formulé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2016, « maintien de la capacité intrinsèque », ou « maintien de la capacité fonctionnelle ». Atteindre cet objectif nécessite une nouvelle approche de recherche visant à tester des mesures efficaces, bien tolérées et abordables, pouvant être appliquées au niveau de la population et capables d’améliorer simultanément plusieurs fonctions organiques. Cette approche de recherche est aussi appelée « Delayed Aging – vieillissement retardé » et constitue l’objectif central de la recherche moderne sur le vieillissement. Elle diffère complètement du modèle de recherche classique, qui se concentre sur une fonction organique ou une maladie. L’allongement de l’espérance de vie en bonne santé et le maintien de la capacité fonctionnelle nécessitent de stimuler toutes les fonctions organiques importantes et d’envisager la personne dans sa globalité.
Dans cette optique, le lancement de l’étude DO-HEALTH en Suisse a constitué un jalon important dans la gérontologie moderne. Réalisée auprès de plus de 2 000 femmes et hommes en bonne santé, âgé·e·s de 70 ans et plus, dans cinq pays (Allemagne, Autriche, France, Portugal et Suisse), l’étude montre en quoi trois mesures simples (prise quotidienne de vitamine D, oméga-3 et programme simple d’exercices à domicile) peuvent retarder le processus de vieillissement et réduire le risque de maladies chroniques importantes liées à l’âge et prolonger ainsi l’espérance de vie en bonne santé. Au début de l’étude DO-HEALTH, 42 % de tou·te·s les participant·e·s dans tous les pays étaient des Healthy Agers, c’est-à-dire des personnes exemptes de maladies chroniques et jouissant d’une bonne santé physique et mentale. En Suisse, cette proportion atteignait même 51 %. L’objectif est que les interventions DO-HEALTH aient un impact à l’avenir et fassent augmenter encore la proportion de personnes de 70 ans et plus qui sont actives et en bonne santé.
Par ailleurs, la prise en charge globale du nombre croissant de patient·e·s âgé·e·s dans les hôpitaux de soins aigus reste un champ d’action important. Compte tenu de l’évolution démographique, une personne sur dix devant être traitée dans un hôpital de soins aigus est aujourd’hui âgée de 80 ans ou plus. Ces patient·e·s sont traité·e·s dans toutes les spécialités, bien qu’elles ou soient généralement hospitalisé·e·s pour un problème majeur (p. ex. une crise cardiaque). Le rétablissement optimal d’un·e patient·e âgé·e requiert la prise en compte de toutes ses maladies chroniques, de l’interaction des médicaments – sachant que les fonctions organiques changent avec l’âge –, de la fonction de la mémoire, des capacités fonctionnelles, de la mobilité et de l’alimentation, ainsi que des ressources multidimensionnelles (du/de la patient·e et de son environnement). Cette dimension supplémentaire nécessite idéalement l’intégration de compétences en gériatrie. La création de centres de traumatologie gériatrique est un concept qui a déjà fait ses preuves. Dans ces centres, des chirurgien·ne·s traumatologues travaillent en étroite collaboration avec les gériatres dès l’admission du/de la patient·e, dans le but de remettre sur pied le plus rapidement possible les patient·e·s âgé·e·s de 70 ans et plus souffrant de blessures suite à une chute (fractures osseuses, traumatisme crânien). Il convient de noter que l’âge des patient·e·s pose des exigences spécifiques en matière de traitement médical. Chez les patient·e·s âgé·e·s souffrant d’une fracture, il convient de stabiliser celle-ci d’un point de vue chirurgical de manière à ce que le/la patient·e puisse se remettre debout dès le lendemain de l’opération et à éviter ainsi le risque élevé de diminution des forces et des capacités fonctionnelles lié à l’alitement prolongé.
Parallèlement aux soins médicaux aigus, la rééducation (précoce) immédiate revêt donc une grande importance dans les soins de santé aux personnes âgées. Des séances d’entraînement quotidiennes et des soins actifs (traitement gériatrique complexe) chez les personnes âgées immobilisées (30 % de diminution des forces en une semaine d’alitement) préviennent la dégradation fonctionnelle rapide et permettent ainsi une récupération durable de l’autonomie. De tels concepts ciblés innovants sont envisageables pour de nombreuses spécialités médicales et susceptibles de renforcer durablement la qualité des soins médicaux de pointe en Suisse pour les patient·e·s de 70 à 80 ans et plus, ainsi que de réduire certains risques importants comme le délire (état de confusion aigu) et certaines complications comme les chutes, les effets secondaires des médicaments et la perte d’autonomie.
Outre la promotion de la santé des personnes âgées par la prévention et une prise en charge médicale aiguë globale, l’amélioration des interfaces entre les services ambulatoires, la médecine aiguë et le suivi des patient·e·s âgé·e·s est un domaine d’action important pour l’avenir. L’objectif est de mettre sur pied un concept de soins intégré avec une circulation optimale des informations et des connaissances entre tous les partenaires du système de santé, afin d’assurer conjointement le rétablissement des patient·e·s âgé·e·s et le maintien de leur autonomie. On note un besoin important de recherches complémentaires, d’une part pour pouvoir examiner et établir durablement de nouveaux concepts de soins en intégrant toutes les interfaces, d’autre part pour pouvoir offrir un soutien personnalisé aux personnes âgées nécessitant des soins.
Enfin, il convient de tenir compte des déterminants sociaux de la santé. Les conditions de vie, l’origine, le mode de vie, les activités professionnelles, mais aussi l’accès aux soins de santé et la nature de ceux-ci influencent le développement humain au fur et à mesure que l’âge augmente. La recherche en sciences sociales a permis de mettre en évidence les inégalités en matière de santé. Ces déterminants de la santé, qui sont particulièrement pertinents du point de vue de la politique sociale, doivent également être pris en considération dans les soins de santé aux personnes âgées.
En résumé, il convient de souligner que la santé des personnes âgées offre une stratégie pour garantir les meilleurs soins médicaux possibles face au défi de l’évolution démographique. La prévention et les concepts novateurs de cogestion dans les hôpitaux de soins aigus sont des approches importantes à cet égard. Ils peuvent avoir une influence positive sur l’évolution démographique rapide de la Suisse et permettre au système de santé de réaliser des économies grâce au maintien prolongé d’une bonne santé et à des soins médicaux aigus durables.
Références
Etude DO-HEALTH. https://www.media.uzh.ch/en/Press-Releases/2017/DO-HEALTH.htmlOrganisation mondiale de la santé (Éd.). Stratégie et plan d’action mondiaux sur le vieillissement et la santé. Genève : Organisation mondiale de la santé.