Aides à l’éducation
Version originale en allemand
Les premières pratiques de placement en institution remontent loin en Suisse (comme dans d’autres pays européens). Au Moyen-Âge déjà, les orphelins et orphelines trouvaient refuge dans les hôpitaux, aux côtés des nécessiteux et des malades. Depuis le XVIIe siècle, l’hébergement d’enfants dans les hospices de pauvres, les établissements pénitentiaires et les orphelinats est allé croissant. À partir des années 1830, des institutions d’assistance, de secours et d’éducation des pauvres ont été mises en place dans les zones rurales. Sous un angle sociohistorique, le contexte suisse montre que les orphelin·e·s, les enfants de familles pauvres et les enfants de « vagabond·e·s » ont été placé·e·s notamment à des fins d’assistance et ceci jusqu’à une période avancée du XXe siècle. L’« Œuvre des enfants de la grand-route » était plus particulièrement chargée de placer les enfants de « vagabond·e·s ». Les réflexions critiques de la Heimkampagne (campagne sur les institutions éducatives), dans les années 1968, ont permis de centrer l’attention sur le bien de l’enfant placé·e. Aujourd’hui, le paysage des institutions d’accueil suisses se caractérise par un large éventail d’offres, d’autorités responsables et de groupes cibles. Sur le plan politique, l’époque des enfants placé·e·s, en institution ou dans des familles paysannes, est abordée au travers d’une reconnaissance des souffrances des personnes concernées et d’une réparation. Dans ce but, le Conseil fédéral a mis sur pied, en 2014, une Commission indépendante d’expert·e·s (CIE) sur les internements administratifs chargée d’enquêter et de documenter leur histoire en Suisse jusqu’en 1981. En outre, le programme national de recherche (PNR) 76 « Assistance et coercition » a été mis en place en 2017 dans le but de mieux comprendre les causes et les mécanismes des mesures d’assistance ainsi que leur impact, constructif ou destructeur, sur l’intégrité des personnes concernées.
Les débuts des services de placement familial en Suisse remontent à l’époque où des enfants étaient placés comme domestiques (Kostkinderwesen). En raison d’indications de négligence et d’exploitation des enfants placé·e·s, ces services ont perdu en importance dans un premier temps, avant d’être à nouveau mieux perçus (notamment suite à la Heimkampagne dans les années 1968) en tant qu’alternative au placement en institution. Depuis lors, en Suisse, l’action éducative en milieu ouvert (AEMO) – une aide ambulatoire – s’est développée et largement répandue en complément aux prestations stationnaires d’aide à l’éducation. Les aides à l’éducation ambulatoires comprennent, de plus, des offres telles que des structures éducatives de jour, l’accompagnement des visites et des remises de l’enfant après une séparation ou encore l’accompagnement éducatif individuel de jeunes.
Pour la Suisse, les aides complémentaires à l’éducation (allemand : ergänzende Hilfen zur Erziehung ; italien : aiuti complementari all’educazione) ont été répertoriées, systématisées et décrites, pour la première fois, dans le catalogue Prestations de base de l’aide à l’enfance et à la jeunesse en s’appuyant sur les termes de la législation allemande (SGB VIII) et autrichienne (B-KJHG) sur l’aide à l’enfance et à la jeunesse. Bien que le terme « aides (complémentaires) à l’éducation » ne soit pas encore utilisé uniformément en Suisse, il est de plus en plus répandu. En Suisse romande et en Suisse italienne, on a fréquemment recours aux termes « soutien à la parentalité » et « attività di sostegno alla genitorialità » pour décrire les prestations d’aide à l’éducation, les mesures de protection de l’enfance ou d’autres services de prévention.
Contrairement à l’Allemagne et à l’Autriche, la Suisse ne dispose ni d’une loi nationale sur l’aide à la jeunesse ni d’un droit légal aux prestations d’aide à l’éducation. Au lieu de cela, les bases juridiques pour leur fourniture, octroi et accès sont façonnées par les structures fédéralistes et subsidiaires de la politique et de la législation. Seules existent, au niveau national, des normes minimales pour la surveillance du placement d’enfants dans des familles nourricières, ceci dans l’ordonnance sur le placement d’enfants (OPE). D’autres dispositions se trouvent parfois dans les lois et ordonnances cantonales qui, cependant, ne régissent généralement que les prestations stationnaires d’aide à l’enfance et à la jeunesse (foyers, familles d’accueil), et guère les prestations ambulatoires.
En principe, les aides à l’éducation peuvent être soit convenues volontairement, soit ordonnées par les autorités de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) sur la base du Code civil (CC) et par les autorités pénales des mineurs sur la base du Droit pénal des mineurs (DPMin), si nécessaire contre la volonté des personnes ayant la garde de l’enfant. Contrairement aux prestations ordonnées, l’accès aux prestations convenues volontairement est encore peu réglementé par la loi. En outre, il n’existe souvent pas de règles contraignantes sur leur financement, ce qui peut avoir un effet préjudiciable sur leur utilisation.
Bien qu’en Suisse (comme dans d’autres pays européens), de nombreux enfants, jeunes et personnes responsables de leur garde aient recours à des prestations ambulatoires et stationnaires d’aide à l’éducation, peu de connaissances systématiques sont disponibles quant à l’éventail des prestations, leur utilisation et leur coût, puisqu’il n’existe pas de statistiques nationales à ce sujet. Toutefois, l’Office fédéral de la justice construit actuellement une statistique nationale sur le placement en institution et l’aide aux enfants placés dans le cadre du projet « Base de données planification des foyers Suisse/Casadata ». Les lacunes dans les connaissances relatives aux aides ambulatoires s’avèrent, en comparaison, plus graves encore, notamment en ce qui concerne le type, l’ampleur, l’accès, la réglementation des coûts, la qualité des prestations offertes et leur efficacité. Pour la fourniture de ces prestations ambulatoires, il n’existe pas de normes uniformes et contraignantes. Cette situation se reflète dans la coordination insuffisante de l’éventail et de la qualité des offres. Bref, des questions fondamentales se posent en matière de professionnalisation et de développement de concepts.
Les défis actuels dans le domaine des aides à l’éducation sont donc multiples. Avant tout, il manque des données fiables permettant d’évaluer précisément la situation présente. En raison de l’ancrage juridique insuffisant des aides ambulatoires et des aides convenues volontairement, une inégalité de traitement des personnes ayant besoin d’aide est inévitable. Cette situation a pour conséquence de favoriser une culture d’interventions éducatives intrusives, tandis que les formes de soutien préventif, précoce et à bas seuil sont désavantagées. Face aux problématiques éducatives de plus en plus complexes et à la demande sans cesse croissante de formes d’aide réellement adaptées aux problèmes telles qu’elles existent depuis longtemps en Allemagne et en Autriche, il devient urgent de mettre sur pied, en Suisse, un éventail national uniforme d’offres d’aide à l’éducation fondé sur des normes contrôlées de qualité et d’efficacité.
Références
Conseil fédéral (2012). Violence et négligence envers les enfants et les jeunes au sein de la famille. Aide à l’enfance et à la jeunesse et sanctions des pouvoirs publics : rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat Fehr (07.3725) du 5 octobre 2007. Berne : Office fédéral des assurances sociales.Macsenaere, M., Esser, K., Knab, E., Hiller, S. (Hrsg.) (2014). Handbuch der Hilfen zur Erziehung. Freiburg i.B. : Lambertus.
Savourey-Alezra, M., Brisson, P. (2013). Re-créer les liens familiaux : médiation familiale et soutien à la parentalité (3e éd.). Lyon : Chronique sociale.