Inclusion
Version originale en allemand
Suite aux discussions de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), l’inclusion a de plus en plus été évoquée dans le débat général ces dernières années et constitue aujourd’hui le nouveau paradigme de la politique relative aux personnes handicapées. Par le terme d’inclusion, on revendique un droit de l’homme qui garantit la participation et l’autodétermination y compris aux personnes en situation de handicap ou de déficience. En conséquence, le terme est aussi utilisé dans le domaine de l’éducation et désigne la normalisation de l’hétérogénéité dans le système éducatif, ou plus concrètement, l’inclusion des enfants présentant un handicap, quel qu’il soit, dans les écoles ordinaires.
Mais l’inclusion ne concerne pas seulement le domaine du handicap ou de la déficience et doit être comprise dans un sens plus large. Comme son opposé, l’exclusion, elle renvoie à un débat social et politique sur la marginalisation croissante et les expériences de plus en plus nombreuses de marginalisation dans l’État social. C’est ce que révèle clairement l’observation de l’émergence des deux concepts dans les zones franco- et anglophone. Dans les deux débats, il s’agit en fin de compte des questions d’exclusion au sens de mise à l’écart de la société ou de marginalisation de larges franges de la population, considérées comme inutiles et donc fondamentalement non incluses. Naturellement, ces débats ont une influence directe sur l’évolution de la manière dont l’État social et la politique sociale sont appréhendés.
Le terme « inclusion » est utilisé de bien des façons. L’idée théorique fondamentale selon laquelle, dans notre société moderne et différenciée, la participation des individus à la vie de la société peut être décrite par le terme d’inclusion est essentielle. Celui-ci désigne surtout la capacité des humains à participer aux communications de différents systèmes. À ce niveau purement fonctionnel, l’exclusion en tant que contraire de l’inclusion signifie d’abord que les hommes en tant qu’individus ne sont pas tous traités de la même façon et de manière continue, et que, de ce fait, ils ne participent donc pas à tous les systèmes différenciés sur le plan fonctionnel.
L’État social et de droit moderne accorde de la valeur au fait que tous les hommes puissent en principe être inclus dans les prestations de chaque système fonctionnel social. Par conséquent, tous les hommes doivent en principe avoir la possibilité d’être « inclus ». C’est pourquoi, par rapport à la société organisée en strates, la société fonctionnellement différenciée déploie un effort de régulation beaucoup plus important sur le plan des pratiques d’inclusion. L’inclusion est la principale idée de régulation qui caractérise la société moderne telle qu’elle se conçoit. C’est la raison pour laquelle la société moderne accorde tant d’importance aux règles d’inclusion institutionnalisées et généralisées : capacité juridique, scolarité obligatoire, accès aux soins de santé, participation au monde du travail, etc., parce que dans nos sociétés modernes, la constitution sociale de la personne passe par son inclusion. Cela signifie que l’absence d’inclusion, autrement dit l’exclusion, empêche les êtres humains de se construire en tant que personne sociale.
Il est donc logique que la question de l’inclusion ait été évoquée dans la CDPH de l’ONU et que dans le cas de la politique en matière de handicap, on ne parle plus en premier lieu d’intégration, mais plutôt d’inclusion. L’inclusion doit être comprise comme un droit de l’homme, car seule l’inclusion permet de mener une vie digne et autodéterminée dans la société moderne. Une société inclusive s’efforce, à l’aide des structures appropriées, de permettre à toutes les personnes, qu’elles soient handicapées ou non, de prendre part à la vie de la société, et de faire tomber les obstacles de toutes sortes.
Dans cette perspective, le Diversity Management peut aussi être vu comme une politique d’inclusion. D’un point de vue normatif, le Diversity Management s’inscrit dans une optique de droits de l’homme et se met au service de la lutte contre la discrimination. Dans une conception plus globale de l’inclusion, il tente d’établir des conditions-cadres et de modifier en conséquence les structures existantes de manière à ce que chacun·e, dans son individualité, puisse être considéré·e d’emblée comme partie prenante.
Souvent, l’absence d’inclusion ou d’opportunités d’inclusion crée des problèmes existentiels qui vont à l’encontre de la société moderne telle qu’elle se conçoit. Il convient d’accorder à ces cas d’exclusion une place dans le débat sociopolitique, d’empêcher ce type d’exclusion par des réglementations de politique sociale, et d’encourager l’inclusion.
Le fait de ne plus être abordé ou pris en considération est une expérience de l’exclusion tout à fait personnelle. Ici, on peut dire à juste titre que la question n’est pas de savoir qui sont les exclu·e·s ou les marginalisé·e·s, mais plutôt de savoir sous quelles conditions des situations de vie peuvent être qualifiées d’exclues, de superflues ou de marginalisées. Cette autodescription de situations d’exclusion découle d’une série de ruptures de communication et de rejets qui conduisent à un sentiment de perte. De telles expériences d’exclusion se multiplient justement à notre époque et donnent lieu à de nouveaux défis pour les politiques. De toute évidence, la perception de l’adaptation entre les conditions systémiques de l’inclusion et le profil d’inclusion individuel est devenue problématique. Il apparaît que dans les faits, très peu de personnes sont encore marginalisées, mais qu’un nombre croissant de personnes, y compris de la classe moyenne, craignent d’être exclues. Cette crainte d’une possible exclusion peut être décrite comme une attente de l’exclusion. Une attente ou bien une crainte qui conduit en fin de compte à une dégradation de l’évaluation subjective de la sécurité sociale et qui, en tant que telle, peut avoir d’importantes répercussions (socio-)politiques.
C’est à ce moment que la politique sociale doit intervenir. L’inclusion et l’exclusion ne posent pas seulement la question des défaillances du système de l’État social, mais aussi des questions auxquelles il convient de répondre à partir de la perception qu’a l’État de lui-même. Voilà qui interroge les principales valeurs sociales de notre État social : la justice, l’égalité et bien sûr la liberté (au sens de participation). Il convient aussi de se demander comment la politique sociale doit s’adapter pour que ces valeurs sociales se concrétisent. En Suisse, le débat est mené actuellement surtout dans le cadre de la mise en œuvre de la CDPH de l’ONU. Le fait que l’association fédérant les organisations de défense des personnes handicapées s’appelle Inclusion Handicap depuis 2016 témoigne de l’importance du concept d’inclusion.
Sans remettre en question les droits et les besoins des personnes en situation de handicap, il convient de souligner que l’inclusion est un droit fondamental qui s’applique à tous les êtres humains et que l’État doit créer les conditions structurelles (juridiques, politiques et économiques) qui empêchent l’exclusion et rendent possible la participation et l’autodétermination – autrement dit, l’inclusion.
Références
Farzin, S. (2006). Inklusion/Exklusion : Entwicklungen und Probleme einer systemtheoretischen Unterscheidung. Bielefeld : transcript.Heinrich-Böll-Stiftung (Hrsg.) (2015). Inklusion : Wege in die Teilhabegesellschaft. Frankfurt a.M. : Campus.