Chercher dans le dictionnaire

Droits de l’enfant

Daniel Stoecklin


Première édition: December 2020

Le terme « droits de l’enfant » désigne l’ensemble des droits contenus dans la Convention relative aux droits de l’enfant (ci-après CDE), adoptée par l’Organisation des Nations Unies le 20 novembre 1989. Au sens de la CDE, un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. Les droits dont il est titulaire portent sur des principes généraux (non-discrimination, intérêt supérieur de l’enfant, droit à la vie, à la survie et au développement, droit d’être entendu), les libertés civiles, le milieu familial et la protection sociale de remplacement, la santé et le bien-être, l’éducation, les loisirs et les activités culturelles, et enfin les mesures spéciales de protection de l’enfance.

Ancêtre de la CDE, la Déclaration de Genève (1924) comptait 10 principes non-contraignants axés sur la satisfaction des besoins essentiels de l’enfant. La Déclaration des droits de l’enfant (1959), inspirée de la Déclaration des droits de l’homme (1948), restait encore marquée par une approche protectionniste dans laquelle l’enfant est vu comme bénéficiaire de la bienveillance des adultes. Ce n’est qu’avec la CDE (1989) que les droits participatifs (libertés civiles) font de l’enfant un véritable sujet de droits.

Contrairement aux Déclarations de 1924 et de 1959, la CDE a un caractère contraignant, obligeant les États qui l’ont ratifiée à rendre compte, tous les 5 ans, de l’avancement de sa mise en œuvre dans leur juridiction. Ils soumettent leurs rapports périodiques au Comité des droits de l’enfant, qui reçoit également les rapports alternatifs (shadow reports) de la société civile, procède à une audition et rend des recommandations. La CDE est l’instrument international de droits humains qui est le plus largement ratifié. À ce jour, la ratification de la CDE est quasi universelle : tous les pays, à l’exception des États-Unis (qui l’ont uniquement signée), l’ont ratifiée. La Suisse a ratifié la CDE en 1997.

La CDE est complétée par le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (2000), le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (2000), et le Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications (2011) permettant à un enfant et ses représentants légaux de déposer une plainte individuelle (appelée « communication ») devant le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies au cas où ils n’auraient pas pu obtenir de réparation dans leur pays.

Le Comité des droits de l’enfant est composé de 18 membres dont la candidature est présentée par les États parties. Il s’agit d’experts indépendants élus pour un mandat de quatre ans, renouvelable. Le Comité examine les rapports périodiques présentés par les États parties, organise annuellement une journée de discussion générale sur un des sujets de préoccupation et adopte des observations générales.

Si la Suisse compte, en comparaison internationale, parmi les États qui respectent le mieux les droits de l’enfant, les recommandations du Comité mettent cependant en lumière la question du fédéralisme et les possibles discriminations qui peuvent en résulter. Les différences intercantonales concernant l’appui financier aux familles en situation de précarité sont importantes et engendrent donc une inégalité de traitement des enfants concernés. Il y a également une grande disparité au niveau des mesures et structures d’accueil pour les mineur·e·s non accompagné·e·s, qui sont d’abord vus comme des étranger·ère·s requérant·e·s d’asile plutôt que comme des enfants, et le droit à la formation professionnelle de cette catégorie spécifique d’enfants est inégalement reconnu suivant les cantons. Le Comité des droits de l’enfant recommande aussi à la Suisse d’uniformiser les pratiques en matière d’inclusion des enfants en situation de handicap dans l’enseignement ordinaire et d’allouer les ressources nécessaires en vue de passer dans tous les cantons à un système scolaire réellement inclusif. Enfin, la Suisse est sommée de fournir davantage de données statistiques (ventilées par âge, sexe, origine ethnique, zone géographique et situation socioéconomique) concernant les enfants qui vivent sur son territoire.

À l’instar de nombreux pays, la Suisse pourrait se doter d’une institution nationale des droits humains (INDH). Un tel organisme indépendant, dont les modalités sont régies par les Principes de Paris adoptés par les Nations Unies en 1993, permettrait de protéger et de promouvoir les droits humains de manière plus systématique et transversale, ce qui est d’autant plus nécessaire dans un pays comme la Suisse où le fédéralisme joue un rôle important dans l’accès concret des enfants à leurs droits.

Les droits de l’enfant provoquent parfois des réactions hostiles, basées sur la conviction qu’ils instituent la figure de « l’enfant-roi ». Or la CDE souligne la primauté de la famille. La responsabilité subsidiaire de l’État-providence est un principe fondateur.

Le décalage plus ou moins important entre les droits formels de l’enfant et sa capacité réelle de les comprendre et donc de s’en saisir constitue un enjeu très important. À l’instar de ceux des adultes, la mise en application des droits de l’enfant est conditionnée par des facteurs politiques, économiques, sociaux et culturels. S’ajoute cependant ici une spécificité propre à la situation des enfants : leurs capacités évolutives, qui ne sauraient cependant être un prétexte pour les priver de la possibilité d’exercer leurs droits. Car une telle limitation ne ferait que renforcer la discrimination des enfants plus faiblement dotés en capitaux économiques, sociaux et culturels. Il y a donc nécessité absolue de soutenir tous les enfants dans l’exercice progressif de leurs droits, et cela requiert des adaptations des dispositions juridiques nationales, ainsi que des capacités renforcées de tous les acteur·tice·s œuvrant dans le champ de l’enfance. Sans cela, il restera difficile pour les enfants de faire valoir leurs droits directement.

De fait, on constate que pour l’instant le Protocole facultatif à la CDE établissant une procédure de présentation de communications (2011) a été très majoritairement saisi par des adultes et non pas directement par des enfants. Cette situation est emblématique de la position sociale des enfants à qui l’on octroie formellement l’accès à des possibilités et des procédures, ne renforçant de fait que des ONG ou des « défenseurs » des enfants qui trouvent dans ces instruments de nouvelles possibilités d’action.

Une politique de l’enfance basée sur les droits et la possibilité de les exercer effectivement induit un changement de paradigme, déjà repérable au niveau des recherches sur l’enfance (childhood studies), mais qui reste cependant encore difficile à traduire en pratiques correspondantes. Il s’agit de considérer l’enfant comme acteur·trice social·e sujet de droits et non plus comme un objet de protection. L’approche interdisciplinaire des droits de l’enfant contribue au regard critique nécessaire pour une mise en œuvre appropriée de ce nouveau statut de l’enfant sujet de droits.

Références

Hanson, K. & Nieuwenhuys, O. (Eds) (2013). Reconceptualizing children’s rights in international development : living rights, social justice, translations. Cambridge : Cambridge University Press.

Nations Unies (1989). Convention relative aux droits de l’enfant. Recueil des Traités, 1577, 3.

Stoecklin, D. & Bonvin, J.-M. (Eds) (2014). Children’s rights and the capability approach : challenges and prospects. Dordrecht : Springer Netherlands.

Retour en haut de page