Chômage de longue durée
Version originale en italien
Les chômeur·euse·s de longue durée constituent un sous-groupe de l’ensemble de la population des chômeur·euse·s. La distinction avec les chômeur·euse·s de courte durée se justifie en raison des importantes conséquences économiques et sociales liées à la persistance de la condition de chômeur·se, notamment à partir du moment où le·la chômeur·se de longue durée a épuisé son droit aux indemnités journalières. En effet, dans une société où le travail constitue une norme sociale centrale, ces personnes sont exposées non seulement à une perte de revenu, mais aussi à une profonde marginalisation personnelle et sociale qui aboutit souvent à des troubles de santé psychiques et physiques.
Dans le système politique suisse, la LACI fixe le cadre de référence en matière de chômage. Cette assurance vise à couvrir temporairement le risque lié à la perte de gain et à garantir aux personnes au chômage un retour rapide et durable dans le marché du travail à travers un soutien au placement, la promotion de la requalification et de la réinsertion professionnelle par le biais de mesures actives spécifiques. À cet égard, la LACI constitue un élément central du système de sécurité sociale suisse qui, s’il se révèle efficace, permet de limiter la probabilité de se retrouver dans une situation de chômage de longue durée, d’arriver en fin de droit et de devoir recourir à l’aide sociale. Dans certains cas, la mission de (ré-)insertion professionnelle des personnes sans emploi est partagée avec d’autres institutions et instruments de la politique sociale tels que les structures de l’aide sociale et de l’assurance-invalidité pour les demandeur·euse·s d’emploi qui risquent de connaître un chômage de longue durée, ou les institutions de formation et de la politique de l’emploi pour les étranger·ère·s ayant des qualifications ou des connaissances linguistiques insuffisantes, ou encore les jeunes qui rencontrent des difficultés avec leur cursus de formation et risquent de décrocher.
Du point de vue de ses conséquences (souvent désignées par la notion de scarring effects), on constate que le chômage de longue durée a un impact sur la possibilité de retrouver un emploi, notamment un emploi stable et bien rémunéré. L’insécurisation et la précarisation croissantes des trajectoires professionnelles, le passage à l’aide sociale représentent des situations courantes pour un nombre non négligeable de chômeur·euse·s de longue durée ; parmi ceux·celles-ci les groupes particulièrement à risque sont les personnes âgées, les personnes sans formation, les étranger·ère·s – en particulier en provenance des pays hors UE – les personnes divorcées, etc. Pour les classes d’âge plus avancé, la LACI prévoit un nombre plus élevé d’indemnités journalières. Ce nombre n’a pas été diminué à l’occasion des réformes restrictives de la quatrième révision de la LACI, entrée en vigueur en 2011, dans le but de ne pas entraîner un risque accru de chômage de longue durée.
Du point de vue de l’appréciation statistique du chômage de longue durée, les données de l’Enquête suisse sur la population active (ESPA) de l’Office fédéral de la statistique (OFS), correspondant aux standards internationaux, doivent être préférées aux données administratives produites par le SECO. En effet, ces données ne se limitent pas aux chômeur·euse·s inscrit·e·s et intègrent les personnes ayant épuisé leurs droits aux indemnités de chômage et celles qui ne remplissent pas les conditions d’éligibilité à de tels droits. Elles permettent de mieux quantifier le phénomène sous toutes ses facettes et facilitent la comparaison internationale.
En comparaison internationale (sur la base des données ESPA), la Suisse se place parmi les quelques pays qui peuvent afficher des taux de chômage relativement bas, mais en termes de chômage de longue durée elle occupe une position intermédiaire entre les pays où le taux est bas et les valeurs centrales de la distribution. Avec un taux de chômage de 4,5 % (données Eurostat, 2015), elle occupe la troisième place derrière l’Islande et la Norvège et se situe au-dessous de la moyenne des 28 pays de l’Union européenne (9,4 %), bien loin des records négatifs de l’Espagne, la Grèce et la Macédoine (respectivement 22,1 %, 24,1 % et 26,1 %). Cependant, avec une proportion de chômeur·euse·s de longue durée qui atteint 35,8 % du total des chômeur·euse·s, elle se place au dixième rang d’un classement qui voit en tête l’Islande (12,4 %) et à la dernière place la Macédoine (81,6 %) et où la moyenne des 28 pays de l’UE atteint 48,3 %.
Les causes du chômage doivent être recherchées dans la conjoncture économique, le fonctionnement du marché du travail et le comportement de ses acteur·trice·s (personnes, entreprises, intermédiaires), et le progrès technologique, dont les effets structurels impliquent une automatisation accrue des activités manuelles et une inadéquation entre les profils recherchés par les entreprises et les compétences de la main-d’œuvre disponible. À cela s’ajoutent des arguments relatifs à la flexibilité des salaires, la générosité de l’assurance-chômage, la mobilité géographique des chercheur·euse·s d’emploi, la propension des entreprises à assurer la formation continue en interne, etc. Cela étant, le risque de rester longtemps dans une situation de chômage augmente fortement avec le temps passé hors emploi, en raison d’une part de la perte de compétences des chercheur·euse·s d’emploi et, d’autre part, de l’influence du phénomène persistant de stigmatisation sociale sur les comportements d’embauche des entreprises.
En Suisse, l’agenda politique se focalise sur l’ensemble des chômeur·euse plutôt que sur la catégorie spécifique des chômeur·euse·s de longue durée. Le débat autour des solutions pour combattre la pénurie d’emploi se polarise autour de ceux qui, d’une part, réclament davantage de dérèglementation du marché du travail, de flexibilité dans les rapports de travail et un durcissement accru de l’accès aux indemnités de chômage et ceux qui, d’autre part, insistent sur les réformes du système de formation et de perfectionnement professionnel, sur un accompagnement ciblé des catégories particulièrement vulnérables et une meilleure collaboration entre les ORP et les autres branches de la protection sociale, notamment l’aide sociale. En raison du vieillissement de la population et de la force de travail et en lien avec la vulnérabilité des personnes âgées par rapport au chômage de longue durée, le thème des travailleur·euse·s âgé·e·s fait l’objet d’une attention particulière dans le débat public. Les prestations transitoires récemment introduites pourraient ici apporter une amélioration.
Références
Losa, F. B., Bigotta, M., Stephani, E. & Ritschard, G. (2014). D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? Analyse des parcours professionnels des chômeurs de longue durée en Suisse. Giubiasco : Ufficio di statistica.Sheldon, G. (1999). Die Langzeitarbeitslosigkeit in der Schweiz : Diagnose und Therapie. Bern : Haupt.
Wegmüller, J. S. & Keller, D. (2016). L’importance de l’assurance-chômage face au risque de chômage de longue durée. Sécurité sociale CHSS, 1, 11-17.