Gestion de la qualité
Version originale en italien
Le concept de gestion de la qualité est né au sein de l’industrie, en particulier dans les secteurs où la qualité (et la sécurité) technique du produit était d’une importance fondamentale comme l’aéronautique ou les industries automobile et pharmaceutique. Les principaux instruments et approches ont été développés à partir des années 1950 au Japon, aboutissant à l’approche du Total Quality Management (TQM), selon laquelle chaque activité de l’organisation doit être optimisée et, si possible, standardisée afin de garantir un niveau de qualité maximal pour le·la client·e.
En 1987 a été publiée la principale norme internationale sur la gestion de la qualité : ISO 9001. Au cours des années, cette norme a évolué (la dernière mise à jour date de 2015) et elle s’est progressivement détachée de ses racines industrielles en devenant plus « universelle » pour s’appliquer aussi aux organisations actives dans les services et dans le secteur non-profit. Dans sa version la plus récente, la gestion de la qualité correspond à la gestion du processus de travail. L’idée sous-jacente est que seul le contrôle total des processus permet à l’organisation de garantir une qualité constante dans le temps.
À partir des années 1980, les concepts de gestion de la qualité ont été adoptés par les organisations du secteur public : hôpitaux, écoles, administration publique et institutions sociales. Dans la plupart de ces secteurs ont été développés des modèles de référence spécifiques. La gestion de la qualité représente un élément important de la philosophie de la nouvelle gestion publique (NGP) qui détermine l’orientation d’un ensemble de réformes administratives initiées au début des années 1980 dans les principaux pays européens et aux États-Unis. La NGP pousse le secteur public à adopter des techniques managériales qui ont fait leurs preuves dans le secteur privé, notamment la focalisation sur l’efficience et l’efficacité, la gestion des outputs et des outcomes ainsi que l’introduction de mécanismes de marché et de concurrence.
En Suisse, la philosophie de la NGP a été intégrée au niveau fédéral avec la « gestion administrative axée sur résultats » (GAR) qui vise à orienter l’action de l’État vers des prestations (ou niveaux de qualité) mesurables, déléguer de manière adéquate les tâches et responsabilités aux unités administratives, améliorer l’économicité et adopter des outils de gestion utilisés dans l’économie privée. Dans le message du 24 novembre 2004 concernant la modification de la loi fédérale sur les finances de la Confédération (LFC), le Conseil fédéral a présenté sa stratégie globale en matière de GAR. Les éléments les plus importants de cette stratégie découlent, directement ou indirectement, de la philosophie de la gestion de la qualité, par exemple l’orientation vers le citoyen·ne-client·e, le lien entre prestations et ressources (efficience) ou encore la gestion par enveloppe budgétaire et contrats de prestation. Ce dernier outil, crucial pour la mise en œuvre de la GAR, prévoit, outre les aspects financiers, la définition et le respect de niveaux de qualité minimale. À cet effet, chaque organisme public est appelé à se doter d’un système spécifique de gestion de la qualité.
Compte tenu de l’expérience positive des projets-pilotes, de plus en plus d’organismes publics ont adopté une telle approche et introduit des systèmes de gestion de la qualité. Tout d’abord, les hôpitaux où les processus et les niveaux de qualité exigés peuvent être définis et contrôlés avec un certain degré de précision. En dépit du niveau élevé des soins en Suisse, on reconnaît la nécessité d’améliorer leur qualité et de diminuer le nombre d’erreurs de traitement et d’accidents médicaux évitables, tels que les infections nosocomiales, les traitements pharmacologiques erronés, les erreurs de diagnostic ou dans les salles d’opération. À travers la mise en œuvre de la « Stratégie nationale de la qualité », le Conseil fédéral vise à renforcer son rôle de pilote tel que défini dans les priorités de la politique de la santé (Santé2020). Un pilier de cette stratégie est l’adoption de systèmes de gestion de la qualité dans chaque hôpital. Beaucoup d’hôpitaux ont ainsi adopté la norme ISO 9001 ou d’autres modèles généraux (comme le modèle européen développé par l’European Foundation for Quality Management) ou sectoriels (comme le modèle américain de la Joint Commission).
A partir des années 1990, les établissements éducatifs se sont aussi dotés de tels systèmes (à commencer par les universités et les écoles professionnelles), de même que les institutions sociosanitaires. Ainsi, QuaTheDA est un projet de l’Office fédéral de la santé publique pour les domaines des addictions, de la prévention et de la promotion de la santé, dont le but est de renforcer la confiance dans les services des organisations. Il se base sur l’évaluation du niveau de qualité atteint dans le secteur spécifique de la dépendance. Toujours dans le champ de la politique sociale, le 1er janvier 2000 l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a promulgué la norme « OFAS AI 2000 » qui définit les critères pour la création de systèmes de gestion de la qualité dans les institutions de prise en charge des personnes en situation de handicap. La philosophie sous-jacente à ce système s’inspire de la norme ISO 9001. En parallèle ont été adoptés d’autres modèles moins « managériaux », par exemple en Suisse alémanique le modèle Wege zur Qualität promouvant une orientation anthroposophique.
Le transfert dans le secteur public et social de logiques nées dans le monde de l’entreprise suscite à juste titre nombre de questions sur l’adéquation de ces instruments. Le débat est ouvert, mais l’expérience des institutions sociales suggère une réponse contrastée. D’une part, les logiques de la gestion de la qualité sont aussi applicables dans le secteur public (surtout en ce qui concerne les processus d’organisation et de gestion des institutions). D’autre part, une formalisation excessive des activités, notamment dans le domaine de l’accompagnement et des soins aux usager·ère·s, peut conduire à une limitation excessive de la marge de manœuvre et de décision du personnel. À la différence des activités industrielles, les activités des institutions sociales se caractérisent par une haute variabilité des exigences et des situations, où l’importance des aspects émotionnels et relationnels demande une évaluation ad hoc. Le défi est donc de trouver des approches de gestion de la qualité qui tiennent compte de cette complexité au moment de formaliser les processus et mesurer la qualité des prestations.
Une autre grande différence réside dans la difficulté de recueillir le point de vue des usager·ère·s, notamment avec les personnes en situation d’incapacité où il est nécessaire de développer de nouvelles approches pour intégrer et communiquer sur le thème de la qualité. Enfin, les chercheur·euse·s s’accordent pour souligner – dans le secteur social – le primat des relations humaines – entre usager·ère·s, personnel et institution –sur les aspects formels liés au respect des normes et règles.
Références
Broekmate, L., Dahrendorf, K. & Dunker, K. (2001). Qualitätsmanagement in der öffentlichen Verwaltung. München : Jehle.Mainardi, M., Gandolfi, A., Parini, C. & Balerna, C. (2010). Bilancio critico sull’introduzione dei sistemi di gestione della qualità negli istituti per persone adulte con disabilità. Manno : SUPSI.
Peterander, F. & Speck, O. (2004). Qualitätsmanagement in sozialen Einrichtungen (2., völlig neu bearb. Aufl.). Basel : E. Reinhardt.