Statistique sociale
Version originale en allemand
L’administration et les autorités se servent de ces données et indicateurs de la statistique sociale afin de déterminer les situations sociopolitiques problématiques, planifier la politique sociale et les mesures de gouvernance sociopolitique, et analyser l’efficacité des mesures sociopolitiques. La statistique sociale est également très importante pour les associations et les autres acteur·trice·s sociopolitiques. Les données sociostatistiques permettent de décrire l’état et le fonctionnement de l’État social, d’évaluer l’efficacité des actions gouvernementales et d’identifier les lacunes dans la protection sociale.
La première statistique suisse sur la pauvreté a été établie dès 1872. En raison du fédéralisme marqué de la Suisse, son élaboration était déjà une tâche complexe et fastidieuse et prenait plusieurs années. Le développement socioéconomique qui a eu lieu au tournant du XXe siècle et la précarisation de larges couches de la population qu’il a entraînée ont donné une grande importance à la « question sociale », suscitant un véritable besoin d’informations sur le marché du travail, les prix et les comportements des consommateurs. Par la suite, un service « Statistique sociale » a été créé dans l’ancien Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail (OFIAMT), qui établissait l’indice des prix à la consommation ainsi que les statistiques relatives aux salaires, à la production et à l’emploi, et qui a été transféré à la fin des années 1980 à l’Office fédéral de la statistique (OFS). En 1992, la loi sur la statistique fédérale a créé une base légale unique pour l’établissement des différentes statistiques. Depuis 2000, la statistique fédérale est également inscrite dans la Constitution fédérale (révision totale, article 65 CF) et doit répondre aux directives relatives à la protection des données (loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992).
Aujourd’hui, les enquêtes mentionnées sur les prix à la consommation, ainsi que sur les salaires, la production et l’emploi font partie des statistiques économiques. Le changement social et économique qui a commencé dans les années 1970 a entraîné une hausse des problèmes et des risques sociaux, ce qui a fait naître un besoin beaucoup plus important en informations sur la situation sociale de la population et sur les effets des prestations de l’État social. Les informations recueillies servent de bases décisionnelles indispensables aux adaptations du système de sécurité sociale, ce qui a entraîné un accroissement des activités de recherche sur les problèmes sociaux. Des rapports sur la pauvreté ont été établis pour différents cantons. Grâce à ces connaissances, une série de nouvelles enquêtes et statistiques ont été menées depuis les années 1990 dans le cadre de la Statistique fédérale, ce qui a permis de combler les déficits d’informations par rapport à d’autres pays européens.
Sur la base de ces nouvelles données et indicateurs sociostatistiques, la Suisse ambitionne depuis les années 1990 d’établir des rapports sociaux continus. Les développements sociaux, l’apparition de nouveaux problèmes et la répartition des chances de vie dans les principaux domaines de la vie, comme le revenu, l’éducation, le logement, la santé et le travail font l’objet d’un monitoring régulier (p. ex. dans les rapports sociaux de l’OFS et du Swiss Centre of Expertise in the Social Sciences FORS ou dans les almanachs sociaux publiés chaque année par Caritas depuis 1999, qui sont axés sur la politique sociale).
Les recensements qui, jusqu’en 2000, ont été réalisés tous les 10 ans auprès de la totalité de la population (recensement complet), constituent une base importante de la statistique sociale. À compter de 2010, les données reposent sur les données de registre des services du contrôle des habitants harmonisées chaque année. Les informations relatives au recensement de la population qui ne figurent pas dans les registres du contrôle des habitants sont complétées par le relevé structurel annuel (consultation d’environ 200 000 personnes) avec des données relatives à l’éducation, à la langue, à la religion et aux comportements en matière de mobilité sont collectées.
À l’exception de quelques enquêtes ponctuelles, on manquait jusqu’aux années 2000 de données fiables et à l’échelle de toute la Suisse sur l’aide sociale et la pauvreté. Avec l’établissement de la statistique de l’aide sociale au début des années 2000, cette lacune a été comblée en partie. Outre les données sur les bénéficiaires de l’aide sociale, qui sont recueillies chaque année pour toute la Suisse depuis 2005 par les communes et les cantons, l’inventaire des prestations sociales sous condition de ressources (aide sociale au sens large) donne des renseignements sur toutes les prestations liées aux besoins dans les cantons. La statistique financière fait état des dépenses cantonales dans le domaine de l’aide sociale au sens large.
Pour tenir lieu de statistique intégrale sur les aspects financiers de la sécurité sociale, les comptes globaux de la protection sociale ont été développés à la fin des années 1990. Cette synthèse statistique repose sur plusieurs sources différentes et renseigne de manière globale sur les finances de la sécurité sociale. Elle se base sur une méthode alignée sur EUROSTAT (Office statistique de l’Union européenne) du Système européen de statistiques intégrées de la protection sociale (SESPROS), ce qui permet une comparaison avec tous les pays de l’Union européenne. Le taux de prestations sociales (dépenses totales consacrées aux prestations sociales en pourcentage du PIB), qui mesure le niveau des prestations sociales d’une nation, représente un indicateur central. En 2017, il s’élevait en Suisse à 26,1 %. Ainsi, notre pays se situe légèrement en deçà de la moyenne de l’UE.
Les grandes enquêtes primaires représentatives menées dans le cadre des statistiques publiques constituent également des données de base importantes de la statistique sociale. En effet, elles fournissent des informations sur la répartition sociale des chances de vie en se basant sur la disponibilité des ressources telles que le revenu, l’éducation, la santé et le logement. Mentionnons notamment l’enquête suisse sur la population active (ESPA) qui, chaque année depuis 1991 et tous les trimestres depuis 2010, est effectuée auprès d’un grand nombre de répondant·e·s. Une autre source remarquable pour les questions sociopolitiques est le projet SILC (Statistics on Income and Living Conditions), un ensemble de données établi en Suisse depuis 2007 et harmonisé à l’échelon européen reposant sur un échantillon d’environ 8 000 ménages, soit 18 000 personnes. Sur la base de cet ensemble de données, l’OFS présente régulièrement des indicateurs de pauvreté comparables à l’échelon international. Le panel suisse des ménages établi par FORS revêt également une grande importance. Il se base sur un échantillon de ménages représentatif de la population suisse et interrogé chaque année. Ainsi, des informations sur les parcours de vie, le changement social et les conditions de vie de la population sont générées.
Ces dernières années, les données administratives (provenant notamment des assurances sociales) ont davantage été utilisées pour la statistique sociale. En reliant différents ensembles de données, on peut générer des données riches en contenu. En raison de la forte complexité du système de prestations de la sécurité sociale, il est devenu nécessaire de disposer d’une vue d’ensemble des principaux systèmes de prestations. Ainsi, les données issues des trois grands domaines de la sécurité sociale (AC, AI et aide sociale) sont associées pour former l’ensemble de données AS-AI-AC et servent de base à un monitorage ainsi qu’à des recherches régulières. Lors du croisement des données, le numéro AVS constitue un identificateur fondamental. Par ailleurs, les statistiques utilisent de plus en plus des données issues des registres fiscaux et sur les revenus.
La statistique sociale doit relever le défi qui consiste à s’adapter en permanence aux changements socioéconomiques (nouveaux groupes à risque) et aux modifications des besoins en informations tout en garantissant une constance élevée. Différentes lacunes informationnelles persistent. Par exemple, il n’existe toujours pas de rapports nationaux sur la pauvreté. La structure fédérale de l’État social suisse rend coûteuse la collecte des informations dans les différents domaines de l’existence tout en rendant nécessaire l’exécution d’analyses à l’échelle locale.
Références
Caritas Suisse (Éd.) (annuellement depuis 1999). L’Almanach social : l’annuaire de Caritas sur la situation sociale en Suisse. Tendances, analyses et faits. Lucerne : Éditions Caritas.Office fédéral de la statistique (Éd.) (tous les 4 ans depuis 2011). Rapport social statistique suisse. Neuchâtel : Office fédéral de la statistique.
Rapport social 2004, Rapport social 2008, Rapport social 2012, Rapport social 2016. Zurich: Seismo [voir aussi www.socialreport.ch]