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Régime fiscal

Samuele Vorpe, Kelly Scapozza

Version originale en italien


Première édition: December 2020

Une première et importante justification de l’impôt réside dans la nécessité pour l’État de financer la dépense publique. Selon la Constitution fédérale, tous les êtres humains sont égaux devant la loi. En matière fiscale, cette disposition se concrétise par le principe de l’imposition selon la capacité contributive qui intègre les principes de généralité et d’uniformité de l’impôt. Ainsi, dans le but d’éviter discriminations et privilèges, toute personne et tout groupe de personnes doivent être imposés selon les mêmes dispositions légales (principe de généralité) ; de plus, toute personne ou groupe qui se trouve dans la même situation doivent être imposé·e·s de la même manière, alors que celles et ceux qui se trouvent dans des situations différentes doivent être imposé·e·s de manière différente (principe d’uniformité). Quant au principe de la capacité contributive, il est respecté lorsque chaque personne ou groupe de personnes contribue à la couverture des dépenses publiques selon « ses forces » et donc sur la base de sa situation personnelle et à proportion de ses moyens. En Suisse, ce principe s’applique aux impôts directs, prélevés par la Confédération et les cantons.

En droit fiscal, le revenu constitue l’indice par excellence de la capacité contributive. Outre le revenu, le patrimoine et les augmentations de la valeur du patrimoine sont aussi considérés comme des indices directs de la capacité contributive. Par contre il convient de signaler qu’un revenu minimum ne constitue pas un indice de capacité contributive car ce serait en contradiction avec les dispositions de la Constitution selon lesquelles quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé·e et assisté·e et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Selon le Tribunal fédéral, le législateur n’est toutefois pas contraint d’exonérer d’impôt les revenus qui équivalent au minimum vital, mais il doit garantir que chaque contribuable ne soit pas lésé·e dans son droit à assurer sa survie. À cette fin, il peut mobiliser divers outils tels que la fixation des taux d’imposition, l’exemption de certains montants et les déductions fiscales, ou encore en octroyant ponctuellement l’exonération de l’impôt aux personnes en situation de besoin.

En matière d’impôts directs, le Tribunal fédéral relève que l’évolution des taux d’imposition ne doit pas seulement respecter les droits fondamentaux de la garantie de la propriété et de la liberté économique, mais, conformément à la justice distributive, satisfaire aussi des exigences sociales. Cette considération correspond à une conception dominante de l’ordre juridique, selon laquelle le principe de l’imposition selon la capacité contributive s’inscrit au croisement de considérations juridiques, sociales et économiques. Selon le Tribunal fédéral, la justice fiscale est avant tout une question de justice distributive et implique une juste répartition des dépenses et des besoins entre les membres de la communauté. La promotion de la prospérité commune ainsi que la garantie, dans la limite du possible, de l’égalité des chances pour tous les citoyen·ne·s constituent des objectifs sociaux qui engagent la responsabilité de l’État. Pour cette raison, la Constitution fédérale a opté pour une conception de l’impôt favorable à la redistribution.

Afin de pouvoir comparer les capacités contributives des citoyen·ne·s, une base de comparaison objective est nécessaire. En introduisant un impôt sur le revenu global net, le législateur fédéral a opté pour le revenu et le patrimoine en tant que critères d’imposition des individus. Comme toute personne est imposée en fonction de ces deux critères, l’égalité de traitement est formellement respectée. Il faut cependant aussi tenir compte de la situation économique subjective du contribuable. En effet, des revenus égaux ne doivent pas être imposés de manière égale si la situation personnelle et sociale des contribuables est différente. Les déductions sociales (déductions pour personnes à charge du ou de la contribuable : enfants mineur·e·s, enfants aux études, personnes dans le besoin, etc.) et les taux d’imposition différenciés (époux vivant en ménage commun, familles monoparentales, contribuables vivant seul·e·s, etc.) visent à adapter autant que possible la charge fiscale selon la situation subjective du ou de la contribuable, conformément au principe de l’imposition selon la capacité contributive. L’utilisation de tels paramètres catégoriels et déductions forfaitaires est inévitable, car pour des raisons pragmatiques il n’est évidemment pas possible de considérer chaque situation de manière individuelle.

Enfin, la progression des taux d’imposition ne doit pas conduire à une charge fiscale excessive. Le principe de l’imposition selon la capacité contributive pose une limite d’imposition maximale au législateur qui s’élève théoriquement à 100 %, mais l’interdiction de l’impôt confiscatoire aboutit inévitablement à une limite bien au-dessous de 100 %. En effet, à un seuil déterminé, il faut interrompre la progression des taux d’imposition, en fixant une valeur maximale pour le taux marginal et pour le taux moyen. La fixation de cette limite relève d’une décision purement politique.

En matière d’impôts directs sur le revenu et sur la fortune des personnes physiques, ainsi que sur le bénéfice et le capital des personnes morales, les législateurs cantonaux sont tenus d’harmoniser leurs lois fiscales sur différents points (sujets soumis à l’impôt, période de calcul, procédure, dispositions pénales, etc.) ; ils sont toutefois libres de choisir les barèmes, les taux et les montants exonérés de l’impôt, en veillant toutefois à respecter les droits fondamentaux, en particulier le principe de l’égalité de traitement et ses corollaires en matière fiscale, notamment le principe de l’imposition selon la capacité contributive. En raison de cette marge de manœuvre, découlant du fédéralisme qui caractérise le système suisse, on observe une concurrence fiscale entre les cantons qui tentent d’attirer de riches contribuables et de nouvelles entreprises sur leur territoire à travers des taux ou barèmes plus avantageux.

À titre d’exemple, certains cantons suisses ont opté pour la flat rate tax qui, au lieu d’un taux d’imposition progressif, prévoit un taux marginal unique combiné à une importante déduction fiscale. Bien que la plupart des expert·e·s considèrent la flat rate tax conforme au principe de l’imposition selon la capacité contributive, dès lors que la charge fiscale augmente de manière plus que proportionnelle à l’augmentation du revenu, celle-ci pose quand même question en termes de justice fiscale. En effet, cette tax se caractérise par une progression « freinée » qui favorise les classes les plus riches et nuit au principe de la redistribution de la richesse.

Il faut souligner aussi que les 26 cantons disposent de ressources financières inégales en raison de leur position géographique, du développement économique inégal et d’autres facteurs engendrant des différences au niveau du tissu fiscal. Dans le but de réduire ces disparités et créer un mécanisme de solidarité, des systèmes de péréquation financière et de compensation des charges ont été développés. La péréquation des ressources distingue les cantons à fort et à faible potentiel ; les cantons faibles reçoivent, de la part des cantons forts (péréquation horizontale) et de la Confédération (péréquation verticale), une contribution financière dont ils peuvent disposer librement. En outre, la Confédération octroie une compensation aux cantons qui doivent supporter des coûts plus élevés en raison de leurs caractéristiques géographiques et sociodémographiques.

Références

Oberson, X. (2012). Droit fiscal suisse (4e éd. entièrement rev. et augm.). Bâle : Helbing Lichtenhahn.

Pedroli, A. (2008). Non solo aliquote : le imposte fra etica, giustizia e concorrenza fiscale. Rivista ticinese di diritto, 1, 11-53.

Yersin, D. (1992). L’égalité de traitement en droit fiscal. Revue de droit suisse, 111(2), 145-297.

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