Mineur·e·s requérant·e·s d’asile non accompagné·e·s
En Suisse, les personnes mineures qui demandent l’asile sont considérées comme non accompagnées lorsqu’elles ne voyagent ni avec leurs parents, ni sous la responsabilité d’un autre adulte. La loi sur l’asile (LAsi) définit principalement les conditions d’admission, d’accueil et de séjour de ces personnes. Lorsqu’elles déposent une demande d’asile, elles sont désignées comme requérantes d’asile mineures non accompagnées (RAMNA). C’est à partir du début des années 1990 que la problématique des RAMNA émerge dans le discours public. Malgré une première directive, sommaire, en 1989 les organismes d’aide aux réfugié·e·s soulignaient les carences de leur prise en charge institutionnelle et juridique, contribuant par la même occasion à donner une certaine visibilité à cette catégorie d’exilé·e·s et à la constituer en « problème social » spécifique. La dénonciation d’octobre 1991 au Conseil fédéral, suite à la décision de renvoi de deux mineurs hébergés dans le canton de Vaud, révélait les principales lacunes du traitement des RAMNA. Ces lacunes ont constitué – avec d’autres par la suite – les pierres d’achoppement majeures entre les institutions de défense du droit d’asile et les autorités compétentes. De manière générale, les discussions se sont concentrées sur l’opposition entre la protection des mineur·e·s et le droit d’asile, puisque les autorités doivent notamment tenir compte de la CIDE de 1989, signée par la Suisse en 1991 et entrée en vigueur en 1997.
Considéré·e·s comme requérant·e·s d’asile, les RAMNA suivent en gros la même procédure d’accueil que les adultes. Quelques différences peuvent être signalées : traitement prioritaire de sa demande dans l’un des Centres d’enregistrement pour requérant·e·s d’asile ; adaptation du déroulement des auditions ; examen de sa capacité de discernement et éventuellement de son âge réel ; nomination d’une représentation légale au moment de son affectation à un canton ; et prise en compte de motifs spécifiques susceptibles de rendre inexigible l’exécution de son renvoi. Notons toutefois que tous ces éléments ne sont pas appliqués de manière systématique, alors que d’autres posent problème du point de vue de la protection de l’enfance.
Les conditions d’octroi du statut de réfugié·e pour les personnes mineures et adultes sont identiques. Ainsi, les requérant·e·s doivent rendre vraisemblable l’existence de persécutions ciblées contre leur personne par un État, ou tout au moins démontrer que l’État qui régit leur région de provenance ne peut ou ne souhaite pas les protéger des menaces qui les concernent. Ceci implique donc généralement que la personne qui demande l’asile fasse partie d’un mouvement politique et y mène une activité telle qu’elle la met en danger de manière individuelle. Or, il arrive rarement qu’une personne mineure puisse avancer de tels motifs de sorte qu’en Suisse le taux des RAMNA qui obtiennent chaque année le statut de réfugié·e est très bas et souvent inférieur à 1 %.
Les mineur·e·s non accompagné·e·s qui se présentent dans les centres d’enregistrement sont automatiquement mis·es dans la procédure d’asile. La capacité de discernement pour toutes personnes mineures et le droit à une représentation tutélaire qui en découle sont ainsi ignorés par les autorités suisses. Par ailleurs, une fois attribuées aux cantons, ces derniers omettent souvent la nomination d’une représentation tutélaire ou d’une personne de confiance qualifiée. Ce non-respect de la loi qui bloque toutes les démarches ultérieures n’est pourtant pas conforme à la CIDE qui exige que toutes mesures prises fassent prévaloir le bien-être de l’enfant.
Si la loi exclue la mise en détention d’enfants de moins de 15 ans, celle notamment de requérant·e·s d’asile débouté·e·s, âgé·e·s de moins de 18 ans est possible pour une durée – renouvelable – de trois mois en vue de leur renvoi du territoire suisse. En effet, sous certaines conditions, par exemple par manque de coopération avec les autorités, les RAMNA ne sont pas exempté·e·s d’expulsion et sujet à la détention malgré une base légale qui peut paraître douteuse. Cependant, en termes de détention la législation suisse est comparable à celle d’autres pays européens, en dehors des variations dans la durée possible d’internement.
La vérification de l’âge des requérant·e·s constitue un autre point sensible de la procédure appliquée aux mineur·e·s. La minorité d’une personne requérante donnant droit à une meilleure protection en ce qui concerne l’exécution du renvoi, on considère que des jeunes adultes avancent un âge inférieur afin de maximiser leurs chances de rester en Suisse, ou tout au moins de prolonger leur séjour. Dès lors, les autorités peuvent procéder à des examens osseux visant à déterminer l’âge biologique de requérant·e·s se prétendant mineur·e·s. D’après le Conseil fédéral, ces vérifications ont pour but d’assurer au mieux le principe de l’intérêt supérieur des enfants, de garantir un encadrement adéquat aux requérant·e·s d’asile effectivement mineur·e·s et de lutter contre les abus fréquents constatés dans ce domaine. Toutefois, la marge d’erreur des examens osseux est de plus ou moins deux ans, ce qui rend difficile, dans de nombreux cas, la détermination de l’âge exact de la personne.
On constate donc que les mineur·e·s exilé·e·s sont considéré·e·s comme des requérant·e·s avant d’être pris en compte dans leur spécificité liée à leur condition d’enfant. Les concessions accordées à leur statut d’enfant, progressivement élargies mais parfois ambivalentes (représentation tutélaire, placement, formation, etc.), sont censées ne bénéficier qu’à un minimum d’individus – d’où l’importance de la détermination de l’âge – étant donné qu’elles constitueraient un avantage pour les personnes concernées. De fait, depuis 2004 il s’agit de moins de 200 à 800 RAMNA par année (à l’exception de 2015 et 2016 avec 2 000 et plus), soit de moins de 3 % des requérant·e·s d’asile en Suisse.
Qui plus est, ne permettant pas de viser le long terme, le dispositif mis en place entraîne une importante déperdition dans la construction d’une future insertion sociale des RAMNA, soit en Suisse, soit dans leur pays d’origine, soit encore dans un pays tiers. Ainsi, aussi bien les efforts de ces jeunes personnes que ceux des professionnel·le·s peuvent-ils être court-circuités à tout moment par les décisions administratives prises par les autorités lors du passage à la majorité. Le manque de coordination entre les autorités chargées de statuer sur l’asile et les professionnel·le·s qui suivent les jeunes, avec la prédominance des critères juridiques sur les considérations sociales ou éducatives, est un des problèmes majeurs dans ce domaine.
Les RAMNA voudraient se construire progressivement un futur en tant qu’adultes, mais le poids de l’étiquette « requérant·e d’asile » qu’ils portent sur leurs épaules rend difficile ce travail de construction. Ces personnes souhaiteraient être comme les autres jeunes, mais elles se rendent compte qu’elles ne sont pas considérées comme les autres jeunes.
Références
ADEM, Alliance pour les droits des enfants migrants. http://www.enfants-migrants.chBolzman, C. (2011). Les mineurs non accompagnés en Suisse : demandeurs d’asile ou enfants exilés ? Les politiques sociales, 3-4, 104-117.
Lachat Clerc, M. (2007). Les mineurs non-accompagnés en Suisse : exposé du cadre légal et analyse de la situation sur le terrain. Le Mont-sur-Lausanne : Terre des hommes.